Elisabeth Butterfly
L'EMMERDEUR
Un thriller s’inspirant de faits authentiques récents qui décortique pour mieux les combattre, les mécanismes du pouvoir occulte
Fiction
Le Livre
Un jour, ils ont osé franchir la ligne rouge. On les a harcelés. Ils ne se sont pas soumis. Les intimidations ont redoublé. Ils ont été lâchés par leurs rédactions. Leur seul crime : avoir enquêté là où il ne fallait pas. « Electrons libres, maillons indociles de la chaîne humaine » comme le chante Charlelie Couture d’un de ces journalistes d’investigation, Denis Robert.
« On ne peut pas défendre la liberté d’expression dans le monde si on ne l’a pas chez soi » Denis Robert |
Jules Wigand est de cette race là, celle des emmerdeurs, des empêcheurs de tourner en rond. Il a mis le doigt dans un engrenage diabolique: grâce aux confidences d'un « insider », il découvre l'existence d'un vaste système de blanchiment de l’argent sale. Ses découvertes contrarient si fortement l'univers éthéré de la finance qu’il se retrouve rapidement au milieu d’une tourmente de menaces. Au fil des pages de ce roman de politique fiction très documenté et plein de rebondissements, Jules Wigand va découvrir que « de ne pas croire les menteurs, même s’ils sont déguisés en enfants de cœur » a un prix. Celui de sa tranquillité, voire beaucoup plus.
Arguments de vente : Même si la presse fait beaucoup de bruit autour des ces troubles affaires, c’est souvent pour mieux s’écarter de la vérité. Trop dangereux !
Après un long travail d’enquête, Elisabeth Butterfly a choisi la fiction pour mieux servir la réalité et nous faire entrer dans l’univers des nouveaux braqueurs de banques de l’ère du numérique. La ressemblance troublante avec une histoire récente est bien entendu purement fortuite. Un livre dans la ligne La constance du jardinier de John Le Carré ou de The Insider adapté par Michael Mann.
L’ auteur
Elisabeth Butterfly est diplômée en Sciences Politiques de l'Université de Cambridge (GB) et de l'IEP de Paris. Elle est l'auteur de trois romans, dont le dernier en date, Francois Truffaut. Le Journal d'Alphonse, a été publié chez Gallimard. Elle a été chroniqueuse sur Canal + et suit actuellement un Master de réalisateur à la célèbre London Film School, parrainée par Michael Mann. Elle vient de réaliser un docu-fiction pour radio-France qui a été selectionné au New York Film Festival et aux Festivals du Film de Locarno et de Milan.
Promotion : L’auteur sera invitée dans les grandes émissions TV et radio et de nombreux portraits et interviews sont prévus dans la presse nationale et régionale.
>>> pour lire un extrait >>>
14 août 2006, 15h36
…..Notre histoire est angoissante. Depuis qu’il a rencontré Albert Tanner, l’homme à la tête des Abattoirs de Vaud en Suisse, depuis qu’il a publié une enquête à partir de son témoignage, Jules n’a plus un instant de tranquillité. Pourtant, il n’a fait que son travail. Trop bien, peut-être. Résultat : Jules n’en peut plus. Il est au bout du rouleau. Il perd patience. Il gifle Gabrielle, il néglige les devoirs de Kathe. Notre compte en banque avoisine le zéro. Tout va de travers. Et puis, bientôt, il y a ma santé. Tout ça me ronge, me porte sur les nerfs. J’essaie de ne pas me demander ce qu’on va devenir. Notre avenir est inquiétant – notamment à cause des sommes astronomiques que la Banque d’investissement Van Hoffman réclame, malgré sa publicité mensongère : « Nous ne demandons aucune compensation pour L’Insider, juste un euro symbolique. » En fait, elle exige plus de six millions de dommages et intérêts. Après vingt-huit jugements, seul un euro a été obtenu... Mais moi, j’ai la peur au ventre. Le temps passe, la famille s’agrandit et j’ai toujours la peur au ventre.
Notre histoire est une histoire vraie. Un homme y perdrait facilement la raison. La justice peut rendre fou. Ses convocations sans fin, ses mises en examen, ses enquêtes qui vont à une allure d’escargot, les partis pris subjectifs qui se cachent derrière la noblesse de la robe... Neuf fois sur dix, Jules gagne ses procès en première instance, mais il y a appel. Si Jules gagne en première instance et en appel, il lui faut aller en cassation. Cette stratégie de harcèlement judiciaire n’a qu’un but : qu’il se taise. C’est une lente torture financière et mentale. Par-dessus tout, c’est une atteinte à un principe démocratique fondamental : la liberté d’expression. Je vous l’ai dit, notre histoire est inquiétante.
4 décembre 2001, 7h12
…Jules a pris la voiture juste avant la tombée de la nuit, direction la Suisse. « La Suisse est un Disneyland bancaire. » C’est son leitmotiv. La Suisse, c’est un mouchoir de poche construit sur des passe-droits. Un pays de sauf-conduits. Un pays de banquiers, de privilèges et d’hypocrisie. Un pays où les rues sont pavées d’or, mais où tout est artificiel. Par exemple, la Suisse caracole en tête des statistiques mondiales sur l’alcoolisme. La Suisse fait aussi grande consommation d’anxiolytiques, c’est bien qu’on y dort mal. Jules y a hanté les rues la nuit, comme un stalker. C’est un mot anglais que je lui ai appris. Les stalkers sont des êtres atypiques qui épousent votre trajectoire à un instant donné, puis se volatilisent ; et lorsqu’on se retourne, il n’y a plus personne.
La route est relativement déserte et Jules, au volant de la Saab noire, roule rapidement. La frontière est peu surveillée. Jules sait que le pays ne craint pas les bandits de grand chemin ; ici, les gangsters sont des cols blancs. Ici, la criminalité s’affiche, et les sommes qui se volatilisent en secret font pâlir d’envie les Robin des Bois modernes. Ici, les gangsters ne volent plus les banques, ils les achètent.
9 décembre 2001
…— L’argent du terrorisme ne circule pas dans des valises à travers les souterrains afghans. Il est investi en actions et en obligations via des prête-noms. Ben Laden est un homme d’affaires avisé... qui joue sur l’opacité des systèmes financiers.
— Rien n’est contrôlé, c’est ça ? lance Jules.
— Tout est contrôlé ! Tout est enregistré.
Jules regarde Tanner. Il est tard. Se peut-il qu’il ait mal compris ?
— Il existe une boite noire de la finance mondiale..., complète Tanner.
Mais non, il a bien compris. Il en reste pantois.
— Une boite noire ?
— Oui, grâce aux archives de la Banque d’investissement Van Hoffman, qui se trouvent au siège, on peut localiser la banque d’entrée dans le système et traquer les mouvements jusqu’à la banque de sortie. C’est parfaitement faisable... Je le sais. C’est moi qui ai conçu et mis en place le système informatique de la société qui opère les transferts de banque à banque.
Tanner a bu une dizaine d’Evian, dont les corps en plastique gisent à terre. Jules a du mal à croire qu’il vient d’entendre la plus grande révélation de sa carrière, reléguant le ministre loin derrière. Un scoop sur fond de petites bouteilles en plastique et de viandes froides, dans une odeur de transpiration, au beau milieu de la nuit. C’est donc lui, l’insider, l’homme qui détient les clés de la finance internationale, c’est donc lui, l’homme qui va faire sauter la banque ? Jules en a maintenant la certitude.
*
Dans sa Saab noire, alors qu’il roule en direction de Mulhouse, Jules oscille entre la joie et l’inquiétude. Ou bien ce type lui a livré une révélation sans prix, ou c’est un mégalomane, un mythomane épris de films hollywoodiens, habitant un monde illusoire, entre complot mondial et blanchiment d’argent à grande échelle. Comment savoir ? Qu’est-ce qui l’assure qu’il ne vit pas dans un rêve ? Un petit bureau au-dessus des Abattoirs de Vaud, une zone industrielle, et dans le petit matin, une route déserte. C’est peu pour changer le monde.
29 septembre 2006
Ça s’amorce avec un fil. A la guerre, ce genre de fil est toujours connecté à une grenade, elle-même connectée à une patrouille, elle-même connectée à une armée. On ne fait pas de quartier. La plus petite erreur a les conséquences les plus graves. Ainsi Jonquet, qui doit témoigner au prochain procès de Jules. Il est prêt à venir à la barre. Ces témoignages-là sont précieux, ils peuvent faire pencher la balance, peut-être même sortir Jules du pétrin. Ça fait si longtemps qu’il s’embourbe dans cette guerre d’usure que mène contre lui la multinationale. Là, il tient quelqu’un de bien. Seulement voilà, au téléphone, le type lui dit :
— Je ne veux plus que vous m’appeliez, je ne veux plus rien avoir à faire avec vous.
Jules s’affole. Que s’est-il passé ?
— Ne me contactez plus.
— Vous viendrez quand même au tribunal ?
— Non.
— Aidez-moi un peu à comprendre ?
Soupir.
— Vous manquez singulièrement de courage, tout d’un coup.
— Quand on viendra chercher votre enfant à la crèche à votre place, vous me donnerez des leçons.
Jules balance sur le sol la nouvelle plainte déposée par la Banque d’investissement Van Hoffman, épaisse comme une bande dessinée sauf que beaucoup moins marrante. Elle lui a claqué entre les mains, la grenade.
19 octobre 2006
…A nouveau, comme dans une corrida, les avocats se croisent. L’un va s’asseoir, l’autre part à l’attaque. Mais c’est aussi plus que ça. D’un avocat à l’autre, on change d’univers. Si maître Dale est un spécialiste des petites causes, l’avocat de la BIVH est un expert ès criminels, cette catégorie de criminels de haut vol qui manipulent des sommes astronomiques, et à laquelle, de façon ultime, ce type d’avocat finit toujours par appartenir. Regardez-le bien : avec son costume bien taillé et sa montre Rolex en or massif, il n’a d’honnête que l’apparence. Si l’on observe bien ses petits yeux perçants, on y devine un mélange d’ambition et de méchanceté.
— Monsieur Kent, vous avez signé une clause de confidentialité au moment de votre engagement au sein de la BIVH, oui ou non ?
— Oui.
— Or, quand la police a fait une perquisition chez vous, elle a trouvé des documents confidentiels concernant la BIVH. Est-ce exact ?
— Oui.
Pause.
— J’ai l’obligation légale, comme vous le savez, de répondre devant la loi de mes activités. Je ne peux citer aucun nom de client, et je ne l’ai pas fait. Je n’ai donc pas enfreint le secret bancaire. Autrement, j’imagine que j’aurais eu des problèmes...
— Mais vous êtes conscient que votre témoignage met gravement en cause le précédent P-DG de la BIVH, Robert Tuil ? Vous êtes conscient que vous incriminez monsieur Tuil et l’accusez d’avoir eu des fins criminelles ?
— Il n’y a pas que Tuil... Il faut aussi chercher dans l’entourage de Tuil...
— Que voulez-vous dire ?
— Tuil n’est que la partie émergée de l’iceberg.
— Monsieur Kent, voulez-vous préciser ?
— Oh non ! Non, je ne veux pas préciser... Je risque trop gros.
— Allons, vous témoignez devant la justice !
— Justement ! De plus, je vous rappelle que la BIVH a été rachetée par un groupe italien... Les hommes ont changé... Il y a eu un nettoyage... On n’attaque plus le même ennemi, maintenant.
— Qu’insinuez-vous ?
— Rien d’autre que ce que je viens de vous dire : les hommes ont été remplacés. Ce ne sont plus les mêmes.
— Monsieur Kent, quel est votre objectif en montant ainsi au créneau ?
Je suis le seul témoin de ces manipulations informatiques... J’ai pensé que ma responsabilité était de les rendre connues de la justice. Bien sûr, j’ai subi des pressions, et je dois dire que j’
en ai assez vu comme ça...
— Des pressions ? De qui ?
— Ben, de la BIVH, bien sûr.
L’avocat fait signe qu’il en a terminé avec le témoin, Kent retourne à sa place. La séance est finie pour aujourd’hui.
29 mars 2002
… La nuit tombe tôt en ce moment, la journée ressemble à un frisbee. Jules retourne où ses pas l’ont mené ce matin. C’est une fin de journée humide, aussi brumeuse qu’elle a commencé. L’homme l’attend sur la place Jean-Moulin. Il est en costume, rasé de près, il porte un attaché-case. Il reconnaît Jules tout de suite. Il l’a déjà vu. Il marche à sa rencontre. Il lui propose d’aller dans un restaurant, au coin de la rue.
— C’est pas la peine, répond Jules. Dites-moi ce que vous me voulez, j’ai pas le temps.
Il est las, Jules.
— Je suis venu négocier l’armistice, monsieur Wigand, fait l’homme comme s’il avait lu dans ses pensées.
— C’est-à-dire ?
Jules le jauge avec méfiance.
— Je suis là pour vous proposer un deal.
— Quel deal ?
— Un million d’euros sur votre compte en banque.
Jules rigole.
— Vous voulez dire... sur un compte en banque off-shore ?
Jules vérifie qu’il a bien compris.
— Si c’est ce que vous souhaitez.
Jules éclate franchement de rire.
— Vous me proposez un compte dans un paradis fiscal ? A moi ? Vous êtes vraiment sérieux ?
Un temps, le regard de son interlocuteur se trouble, un temps le regard devient perplexe, puis irrité. La réponse arrive néanmoins calmement.
— Monsieur Wigand, je croyais que vous pensiez aussi à votre famille...
— Qu’est-ce que vous voulez dire ? coupe Jules sèchement.
— Nous avons eu connaissance des récents problèmes de santé de votre femme, nous savons qu’ils sont liés au stress de la vie que vous lui imposez...
Flash. Moi, par terre, agitée de soubresauts.
— Mêlez-vous de vos affaires.
Flash des filles, et les regards des filles, inquiètes.
— Vous ne voulez pas retourner à une vie plus normale, monsieur Wigand ?
Flash de l’ambulance, devant la porte d’entrée.
— Et pourquoi vous feriez ça pour moi ?
— Vous nous posez pas mal de problèmes, monsieur Wigand. Vous nous coûtez très cher en avocats... Vous nous faites mauvaise presse... . Nous sommes mal positionnés sur le marché actuellement, et nous risquons de nous faire racheter pour pas grand-chose par notre concurrent allemand... Bref, nous sommes prêts à passer l’éponge et arrêter l’affaire là où elle en est, en vous dédommageant, bien sûr.
— Bien sûr, ricane Jules.
— Un million d’euros, ça ne vous suffit pas ?
— Au contraire ! Je vois que je vaux mon pesant d’or.
— Monsieur Wigand...
— Ecoutez mon vieux, vous perdez votre temps. Alors, rentrez chez vous. Vous avez une femme ?
— Monsieur Wigand, ne faites pas l’erreur...
— Mon petit monsieur, je vous dis de rentrer chez vous. Je ne suis pas à vendre.
— Mais...
— Ecoutez-moi une bonne fois pour toutes.
Il le toise bien dans les yeux. Derrière le type, la ville se détache, comme un halo vague et irréel.
— Ce qui a de la valeur ne s’achète pas.
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