Dans un arrêt en date du 5 octobre 2007, le Conseil d'Etat vient de rendre une décision intéressante (CE 5 octobre 2007, UGC-Cité-ciné c. "Palace Epinal" AJDA 35/2007, p. 1903, note Séverine Blondel, http://www.legifrance.gouv.fr/WAspad/Visu?cid=275160&indice=1&table=JADE&ligneDeb=1).
Une société d'économie mixte (SEM) « Palace Epinal » exploite à Epinal un cinéma composé de six salles.
Le 19 janvier 2006, la SEM a demandé à la commission départementale d'équipement cinématographique des Vosges l'autorisation d'ouvrir un nouveau multiplexe de dix salles, pour remplacer le précédent, autorisation qui lui a été délivrée le 24 avril 2006.
La SOCIETE UGC-CINE-CITE a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Nancy sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 551-1 du code de justice administrative, afin ce qu'il soit ordonné à la ville d'Epinal d'organiser une procédure de passation de la délégation du service public de spectacle cinématographique respectant les obligations de publicité et de mise en concurrence préalable.
Le président du Tribunal administratif avait rejeté cette demande et la société UGC demandait au Conseil d'Etat de casser cette ordonnance.
Le Conseil d'Etat donne raison au président du tribunal administratif de Nancy en distinguant "mission d'intérêt général" et "délégation de service public".
La Haute Juridiction rappelle la définition, somme toute classique d'un service public 'indépendamment des cas dans lesquels le législateur a lui-même entendu reconnaître ou, à l'inverse, exclure l'existence d'un service public, une personne privée qui assure une mission d'intérêt général sous le contrôle de l'administration et qui est dotée à cette fin de prérogatives de puissance publique est chargée de l'exécution d'un service public".
L'élément important dans l'analyse réside dans l'existence de "prérogatives de puissance publique" (pouvoir de police, possibilité d'émettre des commandements de payer, clauses dérogatoires du droit commun, statuts des biens immobiliers affectés à l'exploitation du service, etc).
Le Conseil d'Etat poursuit son analyse en ajoutant que "même en l'absence de telles prérogatives, une personne privée doit également être regardée, dans le silence de la loi, comme assurant une mission de service public lorsque, eu égard à l'intérêt général de son activité, aux conditions de sa création, de son organisation ou de son fonctionnement, aux obligations qui lui sont imposées ainsi qu 'aux mesures prises pour vérifier que les objectifs qui lui sont assignés sont atteints, il apparaît que l'administration a entendu lui confier une telle mission".
Dans le dossier de la SEM « Palace Epinal », cette dernière "n'est pas dotée de prérogatives de puissance publique. De plus, la SEM a, en vertu de ses statuts, une mission d'intérêt général en vue d'assurer localement l'exploitation cinématographique, son activité, eu égard notamment à l'absence de toute obligation imposée par la ville d'Epinal et de contrôle d'objectifs qui lui auraient été fixés, ne revêt pas le caractère d'une mission de service public confiée par la commune, qui n'avait ainsi à consentir aucune délégation à cet égard".
Et de conclure, "il suit de là que le juge des référés n'a pas entaché d'erreur de droit son ordonnance, laquelle est suffisamment motivée, en jugeant que le projet de création de salles de la société d'économie mixte ne relevait pas de la procédure de délégation de service public".
En clair et sans décodeur, cela signifie qu'à coté de la régie et de la délégation de service public, il peut exister une voie intermédiaire permettant à une municipalité de confier une mission d'intérêt général à une SEM qu'elle détient majoritairement, sans avoir à passer un appel d'offres ou une mise en concurrrence.
Voilà, une fois à creuser lorsque nous serons arrivés au Capitole.
Je lirai avec intérêt toutes vos contributions...
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