ATTENTION, ce texte (extrait de ma thèse parue en 2002 chez ECONOMICA) est déjà vieux. Il a six ans ! Et en six ans, le droit bouge, change, se transforme.
Le traitement international et
communautaire de
la « faillite » bancaire
1066. – Histoire et essor de la faillite internationale
– Le concept de faillite internationale n'est pas nouveau. Il est
traditionnel de citer à titre d'exemple la faillite de la banque Bardi à
Florence qui date de 1345. Cet établissement avait financé les efforts de
l'Angleterre contre la France au début de la guerre de Cent Ans, ce qui avait
provoqué sa ruine. Du fait de son influence et de son réseau de correspondants,
sa défaillance avait entraîné les premières difficultés à un niveau
paneuropéen. Si les questions soulevées par les faillites internationales n'ont
pendant longtemps, du fait de leur relative rareté, pas focalisé l'attention,
la situation est toute autre aujourd'hui. En effet, on a assisté à la fin du XXe siècle, à une augmentation
sensible du phénomène qui se pose avec beaucoup plus d'acuité. Différents
facteurs expliquent cette évolution. En premier lieu, la crise économique qui
frappe (a frappé ?) la majorité des pays développés a augmenté le nombre
d'entreprises en difficulté, sans distinction, puisqu'elle a touché aussi bien
les structures purement nationales que les entreprises multinationales. A cet
égard, la crise asiatique (1997/1998) a servi de révélateur de la faiblesse de
nombreux « chaebols »
coréens (par exemple, Daewoo), dont la croissance irrépressible était financée
par un endettement phénoménal (ratio fonds propres sur dettes supérieur à
300 % !) auprès des établissements de crédit locaux et internationaux[1]. En second lieu, le
développement du commerce international, se traduisant par un mouvement
d'internationalisation et de mondialisation des échanges, a bien évidemment eu
pour corollaire une internationalisation de l'implantation des entreprises. Au
niveau européen, la construction du marché unique et l'élargissement de l’Union
ont intensifié cette évolution. La combinaison de ces différents facteurs ne
pouvait donc qu'entraîner une multiplication des défaillances d'entreprises à
l'échelle internationale et par voie de conséquence une internationalisation
des procédures collectives. Il est révélateur que de nombreux arrêts relatifs à
la faillite internationale concernent des établissements de crédit. Cela
s’explique par le caractère nécessairement international de l’activité
bancaire.
1067. – Définition et précisions terminologiques – La première difficulté qui se pose est d'ordre terminologique. Le terme « faillite » n'a pas, en droit français comme d'ailleurs en droit international privé, le sens qu'il avait autrefois. Il a disparu du vocabulaire juridique avec le recul de la protection des créanciers et l'avènement de celle de l'entreprise . Le terme de « faillite » est équivoque, dans la mesure où il recouvre une gamme très large de situations. Il désigne l'ensemble des procédures collectives prévues par les systèmes nationaux. Ainsi, le droit français a connu une évolution du droit des procédures collectives au droit des entreprises en difficulté[2].
Les droits étrangers connaissent également des procédures très diverses, tantôt orientées vers la liquidation proprement dite et le règlement des créanciers, tantôt orientées vers la survie de l'entreprise et le maintien de l'emploi[3]. Pour la CJCE, les faillites sont « des procédures fondées, selon les diverses législations […] sur l'état de cessation de paiements, l'insolvabilité ou l'ébranlement du crédit du débiteur impliquant une intervention de l'autorité judiciaire aboutissant à une liquidation forcée et collective des biens ou, à tout le moins, un contrôle de cette autorité[4] ». L'utilisation du terme générique de « faillite » ne rend donc pas compte de la diversité des finalités des procédures collectives. Néanmoins, c'est le terme retenu en droit international pour appréhender les procédures collectives de règlement du passif, du fait de sa commodité d'utilisation, et du fait qu'il correspond à la perspective essentiellement liquidative de la faillite adoptée par le droit international privé[5].
La seconde difficulté consiste à définir le caractère international de la faillite. Selon un critère juridique, serait internationale la faillite comportant un élément d'extranéité, c'est-à-dire un élément par lequel elle est en contact avec un ordre juridique étranger[6]. Ainsi, une faillite est internationale « lorsque le débiteur est soumis à une procédure d'exécution collective de tout ou partie des Etats sur lesquels celui-ci possède des biens[7] ». Ne peut donc être qualifiée d'internationale qu'une procédure intéressant un débiteur possédant des biens dans plus d'un Etat ou intervenant dans plusieurs Etats. A ce critère strictement juridique, il est possible d'adjoindre un critère économique, faisant référence à la notion de commerce international. La procédure mérite d'être qualifiée de faillite internationale si elle implique le commerce international. En effet, peut-on qualifier ainsi une procédure qui concerne un commerçant ne possédant qu'un immeuble à l'étranger, en raison du peu d'importance des éléments étrangers[8] ? La réponse doit être positive, même s'il est évident que les problèmes suscités par ces procédures seront moindres que ceux concernant des multinationales.
La première découle du constat que la législation de la faillite « est un carrefour où se croisent et se rencontrent toutes les composantes du système juridique considéré[10] ». La faillite touche au droit des biens, au droit des sûretés, au droit des sociétés, au droit des régimes matrimoniaux, voire au droit des personnes et même au cas particulier d’un établissement de crédit, au droit administratif.
La seconde découle du fait que la faillite est indissociable de l'organisation judiciaire nationale et des règles de procédure. Comme leur nom l'indique, les procédures collectives sont essentiellement des procédures, présentant « un caractère judiciaire très accentué[11] ».
Dans ces conditions, il ne faut pas s'étonner « que le droit de la faillite soit un droit profondément national : on ne peut y porter la main sans ébranler l'entier système juridique auquel il appartient et qu'il résume[12] ». Le caractère territorial des procédures collectives explique donc la difficulté de créer des normes internationales communes, applicables à tous les droits internationaux des Etats. Ce caractère judiciaire des procédures collectives entraîne une imbrication des conflits de juridictions et de lois, les premiers dans les seconds, puisqu'en la matière, c'est la compétence juridictionnelle qui détermine la compétence législative[13]. Néanmoins, les efforts des pays européens avaient débouché sur la rédaction de deux conventions multilatérales : (i) la Convention d'Istanbul du 4 juin 1990 « relative à certains aspects internationaux de la faillite », rédigée sous l'égide du Conseil de l'Europe et ratifiée par la France le 4 juin 1990 et (ii) la Convention de Bruxelles du 23 novembre 1995 relative aux procédures d'insolvabilité, rédigée pour sa part sous l'égide de la Communauté Européenne[14]. Ces deux conventions ont un point commun : elles prenaient le soin d'exclure expressément de leur champ d'application les procédures relatives aux entreprises d'assurances et aux établissements de crédit[15].
Ces deux conventions ont été novées par l’adoption en l’an 2000 du Règlement CE n° 1346/2000 du 29 mai 2000 relatif aux procédures d’insolvabilité[16] (dit « Règlement Insolvabilité ») que nous étudierons en détail dans le Chapitre II consacré au droit communautaire. Le Règlement Insolvabilité prévoit lui aussi une telle exclusion en raison de l’adoption le 4 avril 2001 de la Directive relative aux mesures d’assainissement et à la liquidation d’un établissement de crédit[17] (Dalec) (cf. n° 1128 et s.).
Pour mémoire, il convient d’ajouter que la France était partie à quatre conventions bilatérales en vigueur[18] jusqu’à l’adoption du Règlement Insolvabilité : (i) la Convention franco-belge du 8 juillet 1899 ; (ii) la Convention franco-italienne du 3 juin 1930 ; (iii) la Convention franco-monégasque du 13 septembre 1950 et (iv) la Convention franco-autrichienne du 27 février 1979.
En outre, il faut également citer d'autres manifestations de cette volonté d'internationaliser la matière. Il en est ainsi des travaux de la Commission des Nations Unies pour le Droit Commercial International (CNUDCI)[19], qui ont débouché sur l'adoption en mai 1997 d'un document dénommé « Loi-type sur l'insolvabilité internationale[20] ».
Cet instrument qui concerne les faillites dans lesquelles le débiteur possède des biens dans plusieurs Etats propose des règles minimales acceptables par les Etats. Il définit des règles de reconnaissance simplifiées des procédures étrangères, propose des règles de coopération judiciaire, et vise à améliorer la situation des créanciers étrangers. Comme les conventions précédentes, la Loi-type prend soin de prévoir qu'elle ne s'appliquerait ni aux banques, ni aux entreprises d'assurance relevant des règles internes quant aux conditions de leur liquidation.
De même, l'Association Internationale du Barreau (AIB) a élaboré un code de règles applicables aux faillites internationales, appelé « Concordat », destiné à régir les relations entre plusieurs procédures collectives intéressant un même débiteur[21]. Le point commun de ces instruments internationaux est de tenter de concilier les théories de l'unité et de la territorialité de la faillite internationale.
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1069. – Théories doctrinales en présence – Depuis le XIXe siècle, doctrine et jurisprudence sont partagées entre deux théories opposées : la théorie de l'unité-universalité et celle de la pluralité-territorialité de la faillite[22]. Derrière cette opposition conceptuelle, ce sont deux modes d’organisation des relations internationales qui sont en jeu.
Dans la première conception, la faillite ne peut être ouverte que par un seul tribunal. En règle générale, ce tribunal est celui du lieu du domicile du débiteur s'il s'agit d'une personne physique, ou celui du siège social s'il s'agit d'une personne morale. C'est le principe de l'unité. De la même manière, en application du principe de l'indivisibilité du patrimoine du débiteur[23], le jugement d'ouverture de la faillite est appelé à étendre ses effets dans tous les Etats de situation des biens du débiteur ou de ses créanciers. C'est le principe de l'universalité. Il en résulte bien évidemment que seule la Loi du principal établissement du débiteur est applicable à l'ensemble des opérations de la faillite.
Dans la seconde conception, il est donné compétence aux Tribunaux des Etats dans lesquels le débiteur possède des biens ou un établissement. Plusieurs juridictions seront donc amenées à traiter de la faillite. C'est la territorialité[24]. Cela suppose par conséquent que les effets des différentes procédures ouvertes seront cantonnés sur le territoire de l'Etat où chacune est ouverte. C'est la pluralité.
A l'évidence, la théorie de l'unité et de l'universalité paraît la plus satisfaisante dans la mesure où elle paraît être la seule capable de permettre le respect des objectifs fondamentaux de la faillite internationale, au premier rang desquels figure le principe d'égalité des créanciers. De même, elle permettrait de respecter la nature de la faillite, qui est une procédure d'exécution collective du patrimoine du débiteur, et d'en simplifier le déroulement en évitant les conflits d'intérêt et de pouvoir.
Mais il faut bien se rendre à l'évidence qu'outre le fait que ses prétendus avantages s'avèrent pour beaucoup illusoires, la théorie de l'unité-universalité était restée du domaine de l'utopie. C'est en effet la territorialité de la faillite qui est de loin la plus largement appliquée.
Cela s'explique par la transposition au plan international des règles de compétence juridictionnelle de chaque Etat, empêchant toute unicité de la procédure, et par le fait que seule la territorialité de la faillite est à même de permettre d'atteindre les deux objectifs principaux de la procédure : le redressement de l'entreprise et le paiement des créanciers[25]. La jurisprudence française a largement consacré la territorialité de la faillite internationale. Les conventions internationales ont, quant à elles, tenté d'en limiter les effets en insérant quelques correctifs issus de la théorie de l'unité. Si bien que c'est en fait un système mixte, hybride, qui s'est peu à peu institué, essentiellement basé sur la jurisprudence de la Cour de Cassation.
1070. – Un droit avant tout jurisprudentiel (avant l’an 2000) – Il n'existe en France aucune loi traitant de la faillite internationale. Alors que le législateur vient de mettre fin à une exception française en dotant le pays d'un système de garantie des déposants en matière bancaire, on ne peut que constater, pour le regretter, que la LESF ne contient aucune disposition afférente à la faillite internationale des établissements de crédit. Or, il est constant que les procédures touchant les établissements bancaires sont parmi les plus importantes, et les plus difficiles à traiter, en raison de l'ampleur des intérêts en jeu et du caractère transnational de ces entités. Il apparaît aujourd'hui indispensable de créer, au niveau européen, une procédure spécifique pour les faillites bancaires. Compte tenu de tout ce qui précède, il convient d’étudier le droit commun de la faillite internationale (Chapitre I), pour voir ensuite comment l’Union Européenne s’est dotée d’instruments juridiques de traitement de la faillite bancaire, qui viennent conforter la cohésion financière de l’Espace Economique Européen et la coopération entre autorités de contrôles (Chapitre II) mettant un terme à la prééminence jurisprudentielle du principe de territorialité pour consacrer celui de l'universalité.
Chapitre I
Le
droit commun
de la
« faillite » bancaire
internationale
1071. – Influences de la « faillite » bancaire internationale sur la jurisprudence relative à la faillite internationale – Etant donné l'absence de texte général ou particulier, en matière de faillite internationale, c'est donc à la jurisprudence qu'est revenue la charge de dégager les solutions régissant la matière à partir des principes généraux du droit international privé. Mais comme le constatent de nombreux auteurs, la jurisprudence sur le sujet est rare. Dans une communication du 26 mars 1993, M. Remery chiffrait à 24 en 30 ans, le nombre des décisions ayant confirmé ou fait évoluer les solutions dégagées au début du siècle[26]. Mais un certain nombre de décisions récentes, relatives notamment à l'affaire de la Bank of Credit and Commerce International[27] (BCCI), ont permis à la jurisprudence française de préciser le droit positif de la faillite internationale. Avant d’étudier cette contribution de la faillite bancaire aux principes de la faillite internationale (Section II), il convient de rappeler les principes de la faillite internationale (Section I).
Section I
Rappel des principes de la faillite
internationale
1072. – Le droit français tendait à se protéger de l’influence étrangère – Il s'agira de tenter de rendre compte, au travers de l'analyse des principales décisions de la jurisprudence, des solutions du droit positif français relatives à la faillite internationale avant l’adoption de la directive relative aux mesures d’assainissement et à la liquidation d’un établissement de crédit (Dalec) et du Règlement d’Insolvabilité. Dès lors, nous étudierons le droit commun de la faillite internationale en distinguant deux hypothèses : les procédures ouvertes en France (§ 1), et les procédures ouvertes à l'étranger (§ 2).
§
1. – Les procédures ouvertes en France
1073. – Lex fori et transposition au plan international des règles internes de compétence – Comme nous l'avons déjà souligné, la question de la compétence législative est directement liée à celle de la compétence juridictionnelle. En effet, la compétence judiciaire entraîne automatiquement la compétence législative, de sorte que la résolution du conflit de compétence entraîne ipso facto l'adoption de la loi de la faillite, la lex fori. L'article 1er de la Convention de Bruxelles du 27 Septembre 1968 excluant de son champ d'application « les faillites, concordats et autres procédures analogues », la compétence des juridictions françaises est donc basée sur une transposition et une extension à l'ordre international des règles de compétence internes. Ce principe général a été affirmé par la Cour de Cassation dans un arrêt Pelassa du 19 octobre 1989. La première Chambre civile a affirmé que « la compétence du Tribunal français saisi de la demande principale, pour connaître de l'action en garantie est expressément fondée sur l'article 181 du Code de Procédure Civile, par une juste application du principe qui étend à l'ordre juridique international les règles françaises internes de compétence[28] ». La jurisprudence retient donc comme critères de compétence internationale ceux qui déterminent la compétence territoriale interne. En conséquence, nous étudierons la compétence juridictionnelle (A) afin de pouvoir déterminer la loi applicable (B).
A. La
compétence juridictionnelle
1074. – Une compétence juridictionnelle largement ouverte – La compétence juridictionnelle découle principalement de l’application du décret du 27 décembre 1985 pris en application de la Loi du 25 janvier 1985 (devenue le Livre VI du Code du Commerce) (1) et des articles 14 et 15 du Code Civil (2).
1) L’article 1er du décret du 27
décembre 1985
1075. – Une compétence territoriale élargie – L'article 1er du décret du 27 décembre 1985 disposait initialement que « le tribunal territorialement compétent pour connaître de la procédure de redressement ou de liquidation judiciaire est celui dans le ressort duquel le débiteur a le siège de son entreprise ou, à défaut de siège en territoire français, son principal établissement[29] ».
Le législateur de 1994 a modifié certaines dispositions du décret d'application. La rédaction initiale a été modifiée par le décret du 21 octobre 1994 : « Le tribunal territorialement compétent pour connaître de la procédure de redressement ou de liquidation judiciaire est celui dans le ressort duquel le débiteur a le siège de son entreprise ou, à défaut de siège en territoire français, le centre principal de ses intérêts en France. »
1076. – Le chef de compétence principal : la présence en France du siège de l'entreprise du débiteur – C'est le premier chef de compétence énoncé par la loi. La considération du domicile ou du siège social du débiteur s'impose d'autant plus qu'elle concilie les tenants de la théorie de l'universalité ainsi que ceux de la territorialité de la faillite. Il est donc normal que ce chef de compétence se retrouve dans presque tous les droits étrangers[30]. Cette solution est ancienne. La Chambre des Requêtes de la Cour de Cassation l'a posée par deux arrêts datés des 18 et 26 avril 1932 : « attendu que... le Tribunal compétent pour déclarer la faillite est celui du domicile du commerçant qui cesse ses paiements; que le domicile d'une société est, en principe, au lieu de son siège social[31] ». Compte tenu de la définition d’un établissement de crédit résultant de l’article 1er de la Loi bancaire[32], il n’y pas lieu de préciser l’application de cette jurisprudence en ce qui concerne les personnes physiques. En ce qui concerne les personnes morales, la détermination du siège social est par nature plus délicate[33]. En principe, il s'agit du siège social statutaire, puisqu'il existe une présomption d'identité entre le siège désigné par les statuts et le siège social réel. Il faut cependant réserver deux exceptions à ce principe : celle du transfert du siège social en fraude du droit des créanciers et celle de la fictivité du siège social statutaire.
En premier lieu, le transfert du siège social uniquement motivé par l'imminence de l'ouverture d'une procédure de faillite est en principe inopposable au juge. C'est le principe énoncé par l'alinéa 2 de l'article 1er du décret de 1985, qui dispose « qu'en cas de changement de siège de la personne morale dans les six mois ayant précédé la saisine du tribunal, le tribunal dans le ressort duquel se trouvait le siège initial demeure compétent ». Ce principe de droit interne a été appliqué par la Cour de Cassation en matière de faillite internationale. Ainsi, dans son arrêt du 26 avril 1932, elle a considéré que le changement du siège social d'une société, « effectué au moment où la société ne pouvait plus faire face à ses échéances..., est resté purement nominal et que tout l'actif social est demeuré au Havre où s'effectuaient toutes les ventes de la société[34] ».
En second lieu, il appartient aux
tribunaux de contrôler la conformité des dispositions statutaires avec le lieu
de l'activité effective de l'entreprise. Ils ne sont bien entendu pas liés par
les dispositions statutaires si le siège social est fictif. La Cour de
Cassation l'a nettement affirmé dans un arrêt du 21 juillet 1987 en
précisant que « le tribunal
compétent pour prononcer la liquidation des biens ou le règlement judiciaire
d'une société est, en principe, celui de son siège social, fixé par les
statuts, à moins qu'il ne soit établi que ce siège social n'est qu'une fiction
et que les opérations de la société se font toutes ou généralement dans un
autre endroit[35] ». Il appartient
cependant au tribunal d'établir la fictivité alléguée[36].
1077. – Les chefs de compétence territoriaux secondaires – Il s'agit ici de faire état d'un courant jurisprudentiel ancien et constant qui donne compétence aux tribunaux français même si le domicile ou le siège du débiteur est situé à l'étranger. Très tôt, les tribunaux se sont reconnus compétents pour ouvrir une faillite en France dans des cas où il était possible d'y caractériser un centre d'activité traduisant une présence commerciale réelle et effective, peu important la forme juridique qu'elle pouvait revêtir. L'important est d'y trouver un établissement secondaire. Ainsi, un arrêt de la Cour d'Appel de Paris datant du 7 mars 1878, retient sa compétence, « peu importe que l'étranger ait son établissement principal dans son pays, et n'ai en France qu'une succursale[37] ».
La notion de succursale a d'ailleurs posé quelques difficultés, ayant conduit la Cour de Justice des Communautés Européennes à donner une définition communautaire[38]. En matière bancaire, nous verrons (cf. n° 1110 et s.) comment la jurisprudence insiste sur l’autonomie dont jouissent les succursales. Ce principe d’autonomie a été affirmé avec force par la jurisprudence à plusieurs reprises, que ce soit pour préciser la compétence territoriale des juridictions françaises ou pour faire application à la succursale bancaire du droit français des procédures collectives[39]. D'autres décisions retiennent, selon les circonstances, la présence en France d'un « établissement commercial[40] », d'un « siège commercial », d'un « magasin ou d'un bureau y traitant des affaires » ou d'un « établissement distinct »[41].
Mais la jurisprudence va plus loin dans cette voie, en retenant la compétence du juge français alors même que le débiteur n'avait pas d'établissement secondaire sur le territoire national. Dans ces hypothèses, le seul fait que ce dernier ait eu des relations d'affaires en France était suffisant. Il en a été décidé ainsi lorsque le débiteur y possédait des biens ou des liquidités[42]. Il en est de même en cas d'émission d'obligations ou lorsque le débiteur a été amené à passer des marchés en France[43].
En dépit de leur ancienneté, les solutions posées par ces décisions, qui sont l'expression d'une application « territorialiste » de la faillite internationale, font toujours partie du droit positif. Plusieurs décisions récentes les ont réaffirmées. Un arrêt de la deuxième Chambre civile de la Cour de Cassation en date du 12 juillet 1962 a retenu la compétence des tribunaux français alors que la société débitrice n'avait en France « qu'un organisme mandataire[44] ». Dans une autre affaire, la Cour passe outre le fait que la société, située en Algérie, « n'a pas d'établissement en France », et retient la compétence de la juridiction saisie alors même que le débiteur n'a fait que « contracter des obligations » en France[45]. La promulgation du décret de 1985 et la référence dans l'article 1er, alinéa 2 au « principal établissement » situé en France n'ont pas modifié les solutions jurisprudentielles dégagées antérieurement. Les juges ont simplement adapté le texte pour pouvoir l'appliquer à la faillite internationale. La Cour de Cassation a ainsi réaffirmé la possibilité pour le responsable en France d'une société de droit allemand exploitant une succursale en France d'effectuer la déclaration de cessation des paiements de cette société au greffe du Tribunal de Commerce[46].
A cet égard, le correctif apporté par la Loi de 1994 ne modifie pas ces solutions. Il paraît plutôt les entériner. En effet, on est en droit de considérer que le concept de « centre principal des intérêts » du débiteur en France est plus large que la référence au « principal établissement » de celui-ci. La nouvelle formulation légale semble moins s'attacher à la forme juridique de la présence du débiteur sur le territoire national qu'à l'effectivité et l'importance économique de celle-ci. Elle paraît donc mieux à même de répondre aux attentes de la jurisprudence pour fonder la compétence internationale des juridictions françaises. Comme le souligne M. Jean Luc Vallens, le critère de l'établissement (et non plus du « principal établissement »), défini « comme le lieu où une activité du débiteur, comprenant une série d'opérations, est exercée, soit par lui-même, soit en son nom et pour son compte recouvre les différentes notions de succursale, d'agence, de bureau, etc. révélant "la présence commerciale réelle" du débiteur, et permet... de justifier la saisine des juridictions françaises et l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire locale à l'encontre de la succursale d'une entreprise étrangère[47] ».
2) Les articles 14 et 15 du Code Civil
1078. – Privilèges de juridiction. Les articles 14 et 15 du Code Civil ont pour effet de rendre les juridictions françaises compétentes alors même que l'application des règles ordinaires de compétence internationale conduirait à écarter cette compétence.
L'article 14 est relatif à l'hypothèse où le demandeur est français. Il dispose : « L'étranger, même non résidant en France, pourra être cité devant les tribunaux français pour l'exécution des obligations par lui contractées en France avec un Français ; il pourra être traduit devant les tribunaux de France pour les obligations par lui contractées en pays étranger envers des Français. »
L'article 15 concerne quant à lui l'hypothèse où le français est dans la position du défendeur. Il dispose : « Un Français pourra être traduit devant un tribunal de France pour des obligations par lui contractées en pays étranger même avec un étranger. » Ces articles constituent donc un privilège, en contraignant « une juridiction française à se déclarer spécialement compétente, en raison de la nationalité française de l'une des parties, alors qu'aucun critère ordinaire de compétence territoriale n'est réalisé en France[48] ».
Comme le souligne un auteur, « ils constituent des fors exorbitants fondés sur la nationalité[49] ». En dépit du caractère restrictif de leur rédaction[50], la jurisprudence a décidé d'en faire une interprétation extensive, en décidant qu'ils ont « une portée générale s'étendant à toutes matières, à l'exclusion des actions réelles immobilières et des demandes en partage se référant à des immeubles situés à l'étranger, ainsi que des demandes relatives à des voies d'exécution pratiquées hors de France[51] ». Ils ont donc également été appliqués dans le domaine des faillites internationales. C'est ainsi que dès 1913, la Cour de Cassation a affirmé, sous le visa de l'article 14, que le principe de l'unité de la faillite devait être écarté, « en dehors des cas où ce principe est consacré par une convention internationale[52] ».
1079. – La compétence fondée sur la nationalité française du créancier – C'est essentiellement sur la base de l'article 14, donc dans l'intérêt des créanciers, que la jurisprudence a fait application du privilège de juridiction. Dans cette hypothèse, il suffit que le demandeur soit français. L'arrêt le plus topique est une décision de la Chambre commerciale de la Cour de Cassation en date du 19 mars 1979, qui a affirmé qu’une « Cour d'Appel retient à juste titre que l'article 14 du Code Civil permet à un Français, à défaut de dispositions contraires et hors le cas de fraude, d'assigner en liquidation des biens une société étrangère qui a contracté des obligations envers lui et qui n'a pas d'établissement en France, devant tout tribunal français de son choix[53] ». Cette solution avait cependant déjà été appliquée bien avant cette date, sans toutefois que la Cour de Cassation ait pris le soin de formuler aussi nettement le principe[54]. Encore faut-il bien évidemment que l'une des parties impliquées dans la procédure soit française[55].
1080. – La compétence fondée sur la nationalité française du débiteur– Pour ce qui concerne l'application de l'article 15, un arrêt de la Cour de Cassation en date du 7 juin 1962 a clairement affirmé qu'il était de portée générale et que « à bon droit, ayant constaté ...que Chavanne, français, était domicilié à Paris, la Cour d'Appel a décidé que les juges consulaires étaient compétents, bien que son principal établissement commercial fut situé hors de France, pour statuer sur les demandes en déclaration de faillite dont le susnommé était l'objet[56] ».
1081. – Critiques de l'application extensive et « territorialiste » de la Loi du for – L'utilisation des articles 14 et 15 du Code Civil ne semble pas appropriée dans le cadre de la faillite internationale, et a donc été beaucoup critiquée[57]. Lorsque ces articles sont invoqués, c'est essentiellement en vue de contourner les dispositions de l'article 1er du décret de 1985, la nationalité ne figurant pas comme critère de compétence, et de permettre l'ouverture d'une faillite qui serait en principe rejetée si l'on appliquait les règles de droit commun.
Mais l'application de ce for exorbitant suit un objectif précis : la protection des créanciers français dans le premier cas, l'assainissement du commerce local dans le second, en permettant de sanctionner un débiteur français qui a fait faillite à l'étranger. La question est de déterminer si la poursuite des ces objectifs autorise à multiplier, en contradiction avec le décret, les chefs de compétence fixés par ce texte. Si la doctrine y est en majorité opposée, la jurisprudence a clairement opté pour l'affirmative.
1082. – La volonté des juges français de se reconnaître territorialement compétents – A l'issue de ce rapide tour d'horizon du droit positif, force est donc de constater une tendance certaine des juridictions françaises, par l'intermédiaire d'une application extensive de l'article 1er du décret de 1985 et de l'utilisation de fors exorbitants fondés sur la nationalité, de se reconnaître compétentes pour connaître des faillites internationales intéressant ne serait-ce qu'incidemment les intérêts des créanciers ou des débiteurs français.
Les appréciations de la doctrine sur le sujet sont aussi nombreuses que variées. Cette attitude s'explique plus par des considérations économiques – favoriser et protéger les intérêts des créanciers – que par des explications doctrinales et juridiques. On peut dire qu'en la matière, l'opportunité des solutions règne en maître.
C'est d'ailleurs une tendance que l'on retrouve dans de nombreux autres pays, et qui explique que la théorie de l'unité de la faillite ne se soit jamais imposée.
B. Détermination de la loi applicable à la
faillite internationale et à ses conséquences
1083. – Conflit de lois – Une des particularités de la matière est le lien indissociable entre le conflit de lois et le conflit de juridictions : le premier absorbe le second. La loi de la faillite, lex concursus, est donc automatiquement la Loi du for, lex fori, loi du lieu d'ouverture de la faillite. Il est traditionnel d'expliquer la compétence de la lex fori à la fois par le caractère procédural de voie d'exécution des faillites, et par le caractère de loi de police et de sûreté de la lex fori en la matière, présentant un caractère marqué d'ordre public. L'argument le plus pertinent reste cependant la prise en compte du fait « qu'organiser la faillite, c'est tenir compte avant tout du caractère collectif de la situation qui résulte du jugement d'ouverture : par nature, cette procédure appelle, pour son organisation, le choix d'une loi unique[58] ».
Il est donc logique de constater que la loi de la faillite régit les conditions d'ouverture de la faillite, le déroulement de la procédure, et les effets de la faillite. On parle d'ailleurs d'impérialisme de la lex concursus.
Mais cette compétence n'est pas absolue, et laisse place dans certains cas à l'application d'autres lois[59], ce qui pose d'ailleurs des problèmes juridiques complexes. De plus, l'inconvénient premier de cette compétence de principe de la loi du for est que chaque Etat dans lequel est ouverte la procédure appliquant sa propre loi, cela entraîne inévitablement des divergences de solutions et donc de compatibilité entre les différentes procédures.
Il convient de distinguer d’une part, la loi applicable à la procédure de faillite (1) et d’autre part, la loi applicable à ses effets (2), étant précisé que pour la loi de la procédure, la jurisprudence adopte une conception unitaire alors que, pour les effets, celle-ci applique des règles différentes suivant les matières concernées.
1) Loi applicable à la procédure de faillite
1084. – Conditions d'ouverture de la faillite – Ces exigences sont déterminées par la loi du for. Il faut donc se référer à cet égard à la Loi du 25 janvier 1985 (devenue le Livre VI du Code de Commerce).
En premier lieu, l'appréciation des cas d'ouverture de la procédure relèvera de la lex concursus. Il en est ainsi de la notion de cessation des paiements, qui conditionne l'ouverture de la procédure collective. La notion qui sera retenue en France sera donc celle de l'article 3 de la Loi du 25 janvier 1985. L'intérêt de la solution est certain lorsque l'on constate que d'autres législations se réfèrent à des concepts différents, comme par exemple celui « d'insolvabilité ». C'est également cette notion qu'ont retenue la Convention de l'Union Européenne de Bruxelles du 23 novembre 1985[60] et le Règlement Insolvabilité. Il en sera également ainsi de l'inexécution des engagements financiers conclus dans le cadre d'un règlement amiable (article 4 L. 85, devenu l’article L. 621-2 du Code de Commerce), d'un plan de redressement (article 80 L. 85, devenu l’article L. 621-82 du Code de Commerce) et d'un contrat de location-gérance (article 98 L. 85, devenu l’article L. 621-101 du Code de Commerce).
En second lieu, la qualité juridique du débiteur sera également appréciée selon la loi de la faillite. A ce niveau, les difficultés susceptibles de se poser résident dans les divergences entre les différentes législations nationales régissant les faillites. Il en est ainsi, par exemple, lorsqu'un débiteur relevant d'une loi étrangère qui lui reconnaît la qualité de commerçant viendrait à cesser ses paiements en France, alors que la loi française le considérerait au contraire, comme non-commerçant. Dans cette hypothèse, c'est la Loi du for qui recevra application, et il serait impossible au juge français d'ouvrir en France une procédure collective à l'égard d'un non-commerçant. Néanmoins, il lui serait tout à fait possible de reconnaître en France les effets d'une telle procédure ouverte à l'étranger.
Ainsi en a jugé la Cour de Cassation, considérant que l'exequatur d'une telle décision « n'avait pas pour conséquence l'ouverture en France de la faillite d'un non commerçant[61] ». L'application de la loi du for s'imposerait également dans l'hypothèse inverse où le débiteur étranger résidant en France cesserait ses paiements, mais dont sa loi d'origine n'autoriserait pas l'ouverture d'une faillite à son encontre.
1085. – L'organisation de la procédure – Que ce soit relativement aux conditions de la saisine du tribunal, à l'organisation ou au déroulement de la procédure, il s'agit d'aspects essentiellement procéduraux qui relèvent en tant que tels de la loi de la faillite. A cet égard, on doit par exemple considérer que la détermination des organes de la procédure et de leurs pouvoirs sont déterminés par la lex concursus.
Il en est de même de la question de savoir si une entreprise étrangère peut déclarer en France sa cessation des paiements[62]. La réponse est indissociablement liée à la solution adoptée en matière de compétence juridictionnelle : à partir du moment où cette société étrangère possède, conformément à l'article 1er D. 85, le « centre principal de ses intérêts en France », il lui est tout à fait loisible de déclarer la cessation de ses paiements et de solliciter l'ouverture d'une procédure collective en France.
La Cour de Cassation a d'ailleurs expressément reconnu cette possibilité dans une décision BCT Computer du 19 janvier 1988, en affirmant qu’une « Cour d’Appel décide à bon droit que la personne qui, conformément aux dispositions des articles 11 et 18 du Décret du 23 mars 1967, applicable en la cause, apparaissait comme étant "le responsable en France" d'une société de droit allemand exploitant une succursale en France, avait qualité pour effectuer la déclaration de cessation des paiements de cette société au greffe du Tribunal de Commerce[63] ».
Cette solution a été réaffirmée par un arrêt de la Cour d'Appel de Paris du 8 juillet 1992, qui a considéré que le responsable en France de la succursale de la BCCI a qualité, en raison de l'effectivité reconnue de ses pouvoirs, pour déclarer la cessation des paiements de cet établissement de crédit[64]. Les magistrats soulignent également à cette occasion que les contestations sur la qualité de débiteur et sur les conditions de la saisine du tribunal relèvent de la loi de la faillite.
2) Les effets de la faillite internationale
1086. – Effets contrastés – Lorsque l’on aborde la question de la loi applicable aux effets de la faillite, la réponse se complique. Le droit tente de tenir compte des différentes remises en cause qu’une faillite entraîne nécessairement. Le droit organise une séparation franche des effets à l’égard du débiteur (a) et de ceux à l’égard des créanciers (b).
a) La loi
applicable aux effets de la faillite à l’encontre du débiteur
1087. – Le dessaisissement du débiteur – Le premier effet, le dessaisissement du débiteur, est régi par la loi de la faillite. La jurisprudence affirme le caractère d'ordre public interne et international de ce principe[65], et en tire toutes les conséquences à l'égard du débiteur, comme par exemple l'incapacité de relever appel d'un jugement rendu contre lui après l'ouverture de la procédure[66]. Sauf en matière bancaire, il faut rappeler à cet égard que cette mesure n'est plus automatique en France en cas de redressement judiciaire, et que le débiteur peut continuer à exercer sur son patrimoine les actes de disposition et d'administration , ainsi que les droits et actions qui ne sont pas compris dans la mission de l'administrateur (article 32 de la Loi du 25 janvier 1985, devenu l’article L. 621-23 du Code de Commerce).
1088. – La responsabilité – En outre, relèveront également de la loi de la faillite les responsabilités et les sanctions encourues par les personnes physiques ou morales débitrices, ainsi que celles de leurs dirigeants, y compris s'ils sont étrangers[67]. On pense bien sur à l'action en comblement de passif de l'article 180 de la Loi du 25 janvier 1985 (devenu l’article L. 624-3 du Code de Commerce), mais également aux sanctions personnelles (la faillite personnelle des articles 185 et suivants, (devenus les articles L. 625-1 et s. du Code de Commerce) et aux sanctions pénales encourues (notamment celle de la banqueroute).
1089. – Issues de la procédure – Enfin, les issues de la procédure à l'égard du débiteur relèvent également de la loi française de la faillite. Néanmoins, lorsque la décision des organes de la procédure concerne des actes d'exécution relatifs aux biens du débiteur situés à l'étranger, il est évident dans ce cas que ces actions seront conditionnées par la teneur des règles applicables dans l'Etat du lieu de situation des biens, la lex rei sitae.
b) La loi applicable aux effets de la faillite à l’encontre des
créanciers
1090. – La situation générale des créanciers – Conformément au principe général exposé précédemment, les effets communs de la faillite, notamment vis-à-vis des créanciers relèvent de la loi du for. Relèveront donc de cette dernière les restrictions apportées aux droits des créanciers. La lex concursus régira l'arrêt du cours des intérêts et des inscriptions, les conditions d'invocation et de recevabilité des nullités de la période suspecte, le régime de la poursuite des contrats en cours. Il est par exemple une restriction aux droits des créanciers que la jurisprudence rappelle et impose avec une force particulière : l'arrêt des poursuites individuelles. Ainsi, elle prend régulièrement soin de rappeler que « les principes de l'arrêt des poursuites individuelles, de dessaisissement du débiteur sont à la fois d'ordre public interne et international[68] ».
1091. – Le principe d’égalité des créanciers constitue un principe d’ordre public international – Relèveront également de la loi de la faillite « la détermination des droits des créanciers et les conditions dans lesquelles le respect de ces droits est assuré[69] ». Là encore, un certain nombre de principes est appliqué avec force par la jurisprudence.
Le premier est le principe d'égalité des créanciers[70]. Très tôt, la Cour de Cassation a entendu poser un principe de non discrimination entre l'ensemble des créanciers au sein de la procédure de faillite, quelle que soit leur nationalité. L'un des premiers arrêts date de 1913, dans une affaire dans laquelle le créancier allemand d'une entreprise déclarée en faillite en Allemagne, où elle avait son principal établissement et en France, où elle avait une succursale, avait produit individuellement à l'une et l'autre de ces faillites. L'un des créanciers français a contesté cette admission à la faillite au nom de l'égalité des créanciers et en invoquant la condition de réciprocité à son profit dans la faillite étrangère. La Cour a rejeté fermement ce raisonnement en déclarant que « tous les biens d'un débiteur sont le gage commun de ses créanciers, sans distinction de nationalité et sans condition de réciprocité[71] ». Dans une décision antérieure du 21 juillet 1903, à propos d'un concordat obtenu par la débiteur failli à l'étranger, la Cour de Cassation précisait « qu'il n'y a point à distinguer entre les créanciers de la minorité et ceux de la majorité[72] ».
Dans l'arrêt BCT Computer, la Cour de Cassation a réaffirmé cette position en rappelant que « tous les créanciers, sans distinction de nationalité, peuvent produire dans la faillite ouverte en France », ajoutant que l'existence de celle-ci « n'entraîne aucune discrimination ou inégalité de traitement entre les ressortissants des deux pays[73] ». Enfin, dans un arrêt de principe du 4 février 1992, elle énonce que « le principe de l'égalité des créanciers dans la masse est à la fois d'ordre public interne et international[74] ».
L'égalité des créanciers, proclamée par la jurisprudence, repose sur un autre principe qui est celui de l'unité du patrimoine : tous les biens du débiteur sont le gage commun de ses créanciers, sans distinction de nationalité[75]. C'est un gage donné à la théorie de l'universalité de la faillite. Comme le souligne M. le professeur Roblot, « une certaine unité des procédures se trouve consacrée. Si donc plusieurs faillites sont déclarées dans des pays différents du chef du même débiteur, tout créancier pourra produire pour l'intégralité de sa créance dans chacune des liquidations, alors même que ses créances résulteraient d'opérations effectuées à l'étranger[76] ».
La jurisprudence considère également que le principe d'égalité doit jouer sans condition de réciprocité. La Cour de Cassation a préféré adopter le système dit du rapport : le créancier étranger qui a perçu des dividendes dans la faillite étrangère et qui entend produire à la faillite française doit « rapporter » à celle-ci les dividendes perçus[77].
Un arrêt ancien précise que c'est au syndic de la faillite, qui prétend exiger le rapport des sommes touchées au mépris de la Loi française d'égalité entre les créanciers du failli, d'établir la preuve que lesdites sommes ont été touchées réellement par le créancier étranger[78].
L'application de cette théorie est généreuse, mais elle permet la fraude, et ne prend pas en compte la teneur de certaines législations étrangères, notamment d'Amérique Latine, qui pratiquent une discrimination entre les créanciers locaux et les créanciers étrangers.
1092. – La situation des créanciers privilégiés : la question de l'opposabilité à la faillite des sûretés et des garanties – C'est sans conteste le domaine où les difficultés sont les plus importantes, la jurisprudence n'ayant pas encore imposé de principes clairs. Même si le principe d'égalité entre les créanciers est proclamé, il est constant que certains créanciers, dotés de droits particuliers sur les biens du débiteur, sont plus égaux que d'autres. Pour déterminer la valeur et l'étendue de ces droits, la loi de la faillite va entrer en concurrence avec un certain nombre d'autres lois selon les hypothèses envisagées, lex societatis, lex causae ou lex rei sitae. Il est donc utile d'opérer des distinctions.
En premier lieu, quelle est la loi applicable aux actions en revendication exercées sur la base d'une clause de réserve de propriété ? La loi de la faillite se trouve en concurrence avec la loi du lieu de situation des biens et la loi du contrat. Selon la Cour de Cassation, « les conditions auxquelles peuvent être revendiquées des marchandises vendues avec réserve de propriété sont, en cas de redressement judiciaire de l'acheteur, déterminées par la Loi de la procédure collective, quelle que soit la loi régissant la validité et l'opposabilité, en général, de la clause de réserve de propriété[79] ».
La solution paraît claire, du moins en ce qui concerne la question de l'opposabilité de la clause de réserve de propriété à la faillite, qui est une question d'organisation de celle-ci. En ce domaine, la lex concursus règne sans partage. Il est normal que la loi de la faillite, qui établit un principe d'égalité entre les créanciers, soit la seule compétente pour en préciser les limites et les exceptions. Les interrogations ne persistent donc que pour ce qui concerne la validité et l'efficacité de la clause de réserve de propriété.
On peut d'ailleurs considérer que ces questions, certes très intéressantes, n'ont qu'un intérêt pratique limité, à partir du moment où les conditions auxquelles peuvent être revendiquées des marchandises sont soumises à la loi de la faillite. Quelle que soit la loi applicable en amont, l'opposabilité sera toujours régie par la loi de la faillite. Et il semble logique de considérer que ce qui vaut pour les actions en revendication vaut également dans d'autres cas.
Il convient néanmoins de souligner que la loi de la faillite peut être écartée par des dispositions conventionnelles spécifiques. C'est le cas en ce qui concerne le crédit-bail international avec la Convention d'Ottawa du 28 mai 1988 ratifiée par la France. La question de l'action en revendication du crédit bailleur est réglée par son article 7.1° a), qui dispose que « les droits réels du crédit bailleur sur le matériel sont opposables au syndic de faillite et aux créanciers du crédit preneur... ».
1093. – Compensation – Les mêmes interrogations se sont posées pour le mécanisme de la compensation. Et comme précédemment, la réponse apportée par la jurisprudence a été la même. Dans un arrêt du 6 juin 1990, la Cour de Cassation a affirmé que l'opposition aux créanciers de la compensation ne peut s'apprécier que selon la loi de la faillite[80]. Une seconde décision a précisé que ce principe s'appliquait aussi bien pour la compensation légale que pour la compensation conventionnelle[81].
1094. – Biens situés à l’étranger – Concernant les sûretés réelles afférentes à des biens situés à l'étranger, la loi de la faillite se trouve en concurrence avec la lex rei sitae. Celle-ci est d'ailleurs traditionnellement d'application générale en ce qui concerne les biens immobiliers. Si l'on applique le raisonnement adopté par la jurisprudence dans les hypothèses précédentes, on doit aboutir à la solution suivante : quelle que soit la loi régissant les conditions de création, l'étendue et les effets de la sûreté réelle concernée (loi du lieu de situation des biens et loi du contrat si la sûreté est conventionnelle), ce sera toujours la lex concursus qui sera compétente pour déterminer les conditions d'opposabilité de la sûreté à la faillite. L'examen de la jurisprudence confirme effectivement cette application distributive des lois concernées. Dans un arrêt société Kléber du 25 février 1986 la Cour de Cassation affirme : « Attendu, ensuite, que si l'inscription provisoire d'hypothèque judiciaire est régie par la lex rei sitae, cette loi doit se combiner avec celle de la faillite; qu'en l'espèce, la juridiction du second degré a justement retenu qu'il ne s'agissait pas de vérifier les conditions d'inscription d'une hypothèque judiciaire provisoire mais d'apprécier si l'inscription prise après le jugement déclaratif de faillite était opposable à la masse des créanciers, ce qui relève de la loi de la faillite[82]. » Proclamée à propos d'une inscription provisoire d'hypothèque dans le cadre d'une faillite ouverte à l'étranger, cette solution doit être réputée applicable à tous les droits réels, y compris pour les procédures ouvertes en France.
1095. – Le droit français des « faillites » est-il impérialiste ? – A l'issu de ce tour d'horizon de la jurisprudence, force est de constater que les reproches d'impérialisme faits à la loi de la faillite sont justifiés. Mais cette propension à exclure les autres lois s'explique par la nature intrinsèque des procédures collectives.
Comme le souligne M. le Haut Conseiller Remery, « il s'agit d'un domaine où l'unité et la cohérence des opérations sont essentielles […]. Les multiples liaisons entre personnes...choses, contrats ou créances, si caractéristiques de cette synthèse qu'est la législation des faillites, n'existeraient pas si une loi propre à ce lien ne les maintenait. Cette loi du lien, c'est naturellement la loi de la faillite[83] ».
En toute hypothèse, c'est cette logique qui devra guider l'interprète dans sa recherche de la loi applicable en matière de faillite internationale.
§ 2. – Les procédures ouvertes à l’étranger
1096. – Problématique – Lorsqu'un jugement de faillite a été prononcé à l'étranger, surgit immédiatement la question de l'efficacité de ce jugement en France. On parle alors de la valeur normative du jugement étranger dans l'ordre juridique interne.
Après une période de méfiance à l'égard des jugements étrangers, s'incarnant dans le système de la révision[84], la jurisprudence a libéralisé les conditions dans lesquelles un jugement étranger pouvait se voir reconnaître une efficacité en France.
Cette reconnaissance de la force exécutoire et de l'autorité de la chose jugée du jugement étranger passe par la voie de l'exequatur ; cette instance est un préalable nécessaire à l'exécution forcée du jugement étranger.
Cependant, l'absence d'exequatur ne prive pas le jugement étranger de toute autorité en France. Il en est ainsi des jugements rendus en matière d'état et de capacité des personnes (mariage[85], divorce[86]...) et des jugements dits constitutifs, dont la jurisprudence reconnaît de plein droit l'autorité en France.
Il en est par exemple ainsi des jugements de faillite. Il s'agira donc de déterminer plus précisément les effets des jugements étrangers de faillite non revêtus de l'exequatur (A), puis de les comparer avec ceux qui en sont revêtus (B).
A. Les effets des jugements étrangers de
faillite non revêtus de l’exequatur
1097. – Héritage de l’histoire – Résultat de l’héritage historique de suspicion à l’encontre des décisions « allogènes », la jurisprudence fixe comme principe l’absence de force obligatoire et contraignante du jugement étranger non revêtu de l’exequatur (1). Pour autant, ce jugement n’est pas dépourvu de toute valeur et la jurisprudence lui reconnaît un effet probatoire (2).
1) Le principe : l’absence de force obligatoire et contraignante du jugement étranger non revêtu de l’exequatur
1098. – L'absence de force obligatoire du jugement étranger – Ce principe résulte de la combinaison des articles 509 et du NCPC et 2123 du Code Civil. Il est constamment rappelé par la jurisprudence[87]. Un arrêt de la Cour de Cassation du 26 juin 1905 a fermement posé ce principe en matière de faillite internationale en considérant que « attendu qu'il résulte de la combinaison des articles 2123 du Code Civil et 546 du Code de Procédure Civile que les jugements rendus par les tribunaux étrangers ne peuvent produire effet en France tant qu'ils n'ont pas été déclarés exécutoires par les tribunaux français[88] ». La première conséquence de cette situation est l'impossibilité de procéder à tout acte d'exécution forcée sur la base d'un jugement étranger non revêtu de l’exequatur. La seconde est que ce jugement ne modifie pas la situation juridique du débiteur au regard de l'ordre juridique français. En effet, tant qu'il n'y a pas d'exequatur, il n'y a pas de faillite déclarée en France. Il en résulte que le jugement étranger de faillite n'entraîne pas le dessaisissement du débiteur de l'administration et de la disposition de ses biens[89]. Celui-ci reste donc à la tête de ses affaires, et a la possibilité de disposer librement de ses biens situés en France[90]. Ses créanciers conservent leur droit de poursuite individuelle. Il peut également recouvrer ses créances. De même, la compensation légale peut s'opérer entre ses dettes et ses créances[91]. En outre, le débiteur ne saurait se voir opposer en France les éventuelles déchéances ou incapacités qu'il est susceptible d'encourir, et au regard de l'application de la loi Française, et au regard de l'application de la loi étrangère. Enfin, la situation juridique des créanciers, pas plus que celle du débiteur, n'est modifiée par le jugement étranger non revêtu de l’exequatur. Il en résulte par exemple que les créanciers conservent l'exercice de leur droit de poursuite individuelle sur les biens locaux du débiteur, et ce même s'ils ont produit à la faillite étrangère[92]. Un créancier est donc en droit d'invoquer la compensation à l'égard de son débiteur[93]. Il lui est également tout à fait possible de diligenter des procédures de saisie.
1099. – La possibilité d'ouvrir une procédure concurrente en France – Mais l'une des conséquence les plus importantes de l'absence d'exequatur du jugement étranger de faillite est que les créanciers locaux du débiteur concerné par la procédure étrangère peuvent demander en France l'ouverture d'une procédure collective parallèle.
Cette solution ancienne[94] a été rappelée de manière très nette par la Cour de Cassation dans son arrêt BCT Computer du 19 janvier 1988. La Cour affirme dans un attendu de principe très intéressant sur différents points qu’en « l’absence de toute disposition communautaire spéciale, applicable en matière de procédure collective, l’arrêt a retenu, à juste titre, que l’ouverture antérieure en RFA d’une procédure de concours n’ayant pas donné lieu à exequatur n’était pas de nature à faire obstacle à l’ouverture de la procédure critiquée et que tous les créanciers, sans distinction de nationalité, pouvaient produire dans la procédure ouverte en France[95] ». Cette décision consacre le principe de la territorialité de la faillite : le juge français peut parfaitement ouvrir en France une procédure concurrente à la procédure ouverte à l’étranger. Il doit cependant vérifier que : (i) aucun traité international ou bilatéral ne lie la France avec le pays dans lequel a été ouverte la procédure de faillite qui lui est soumise ; (ii) la faillite étrangère n’a pas reçu l’exequatur ; (iii) sa décision n’est pas discriminante et ne porte pas atteinte à l’égalité entre les différents créanciers de la procédure. Il est clair que cette conception jurisprudentielle française de la faillite internationale est critiquée par beaucoup, qui plaident pour le système de l’universalité, en soulignant sa contradiction avec les conventions internationales existantes ou à venir, et qui privilégient le système de l’universalité de la faillite, ou au moins d’une universalité tempérée permettant une coordination des différentes procédures nationales. Elle constituait le droit positif en la matière, jusqu’à l’adoption du Règlement « Insolvabilité[96] ».
2) La limite : l’effet probatoire du
jugement étranger
1100. – La méfiance traditionnelle vis-à-vis des jugements étrangers – Le jugement étranger est une norme de droit international privé dont le juge interne doit tenir compte. Or, émanant d’un système juridique dont, souvent, il ignore les règles, il est considéré avec méfiance[97]. Ceci est particulièrement vrai en matière de faillite. Néanmoins, la jurisprudence a très tôt reconnu aux décisions étrangères de faillite dépourvues d’exequatur une valeur probatoire attachée au fait qu’elles sont constitutives d’un état nouveau qui ne peut être ignoré. Les jugements étrangers se sont donc vus reconnaître un effet probatoire en France. Cette reconnaissance a pris différentes formes.
1101. – La reconnaissance de la qualité et des pouvoirs du Syndic étranger – La solution est ancienne et constamment réaffirmée : le syndic nommé par un jugement étranger est habilité à agir en France pour ester en justice et représenter les créanciers[98]. Dans un arrêt du 7 mars 1878, la Cour d’Appel de Paris a posé comme principe que « la qualité du syndic nommé par un jugement étranger déclaratif de faillite doit être reconnu en France, sans que le jugement étranger y ait été rendu exécutoire[99] ». Il peut en particulier déclarer les créances étrangères à la procédure ouverte en France[100]. Dans son arrêt BCT Computer du 19 janvier 1988, la Cour de Cassation a précisé les conditions dans lesquelles le représentant d’une société étrangère pouvait déclarer en France la cessation des paiements d’une succursale exploitée en France. La Cour a posé comme principe qu’ayant « constaté que... M. Féron apparaissait comme étant "le responsable en France" de la société Computer après l’ouverture de son établissement de Choisy-le-Roi, c’est à bon droit que la Cour d’appel a décidé que M. Féron avait qualité pour effectuer la déclaration de cessation des paiements critiquée[101] ». Comme précédemment, la Cour de Cassation a eu l’occasion de réaffirmer et décliner cette solution, dans son arrêt du 11 avril 1995, qui concernait les conditions de la déclaration de cessation des paiements d’une banque étrangère[102].
1102. – La possibilité de diligenter des actes conservatoires – Si le syndic étranger ne peut diligenter des mesures d’exécution forcée sur le patrimoine du débiteur, dans la mesure où le jugement étranger ne le dessaisit pas de l’administration de ses biens situés en France[103], il lui est loisible d’accomplir des actes conservatoires, notamment en vue de paralyser une procédure d’exécution des biens du failli situés en France.
En effet, comme l’explique M. Vallens, il existe « un conflit d’intérêts localisé en France, autour du patrimoine du débiteur non dessaisi[104] », et le syndic dispose de certains pouvoirs pour protéger ses intérêts. En effet, pour le droit français, la situation du débiteur n’a pas été modifiée par le jugement étranger de faillite. Il peut bien évidemment demander l’ouverture d’une procédure de faillite en France, ou l’exequatur du jugement étranger qui l’a nommé. Il peut former tierce opposition au jugement français qui a déclaré la faillite d’un commerçant en France[105], ou encore demander l’apposition des scellés[106].
Il convient néanmoins de préciser que l’exercice de ces pouvoirs cesse de plein droit en cas d’ouverture d’une procédure collective en France. En effet, à compter de cette date, le syndic étranger est privé de tout pouvoir. Ce sont les organes nommés dans le cadre de la procédure française – administrateur judiciaire, mandataire liquidateur, représentant des créanciers – qui sont seuls habilités à agir dans le cadre de la faillite.
La Cour de Cassation l’a rappelé dans un arrêt du 29 octobre 1973, en approuvant la Cour d’Appel d’avoir considéré à bon droit que la liquidation des biens, dont une société ayant son siège à l’étranger a fait l’objet en France, entraîne pour elle dessaisissement de l’administration et de la disposition de ses biens situés dans ce pays, seul le syndic ayant qualité pour exercer, en France, les droits et actions de la société. Il en résulte que celle-ci est sans qualité pour relever appel d’un jugement rendu contre elle[107].
B. Les effets des jugements étrangers de faillite
revêtus de l’exequatur
1103. – Importance de l’exequatur – Avant d’étudier les effets de l’exequatur du jugement étranger (2), il convient de revenir sur les conditions posées par la jurisprudence française pour l’octroyer (1).
1) Le régime de l’exequatur
1104. – Une conception extensive de l’intérêt à agir en exequatur – La finalité première de l’exequatur est de rendre possible l’exécution forcée du jugement étranger dans l’ordre juridique interne. Plus largement, l’exequatur a également pour objet d’affirmer l’opposabilité en France de la décision qu’elle concerne. Dans ces conditions, la jurisprudence a une conception large de l’intérêt à agir en exequatur d’un jugement étranger de faillite.
Dans une espèce où l’absence d’intérêt légitime à agir était invoquée pour s’opposer à l’action en exequatur d’une décision étrangère de faillite, la Cour de Cassation a considéré qu’une Cour d’Appel a caractérisé l’intérêt légitime d’une société allemande au succès de sa demande en relevant « qu’elle justifiait d’un intérêt au moins éventuel à obtenir en France la reconnaissance des décisions judiciaires allemandes concernant son règlement judiciaire[108]… ».
Dans ces conditions, la démonstration de l’intérêt à agir en matière de faillite internationale ne posera, en principe, aucune difficulté au syndic étranger agissant en France.
1105. – Les conditions de l’exequatur : l’arrêt Munzer du 7 janvier 1964 – Cette décision de la première Chambre civile de la Cour de Cassation, qui abandonne le système de la révision, d’application générale, liste les conditions requises pour qu’une décision étrangère obtienne l’exequatur[109].
La Cour énonce que pour accorder l’exequatur, le juge français doit s’assurer que cinq conditions se trouvent remplies, à savoir : (i) la compétence du tribunal étranger qui a rendu la décision ; (ii) la régularité de la procédure suivie devant cette juridiction ; (iii) l’application de la loi compétente d’après l’application des règles françaises de conflit ; (iv) la conformité à l’ordre public international ; (v) l’absence de fraude à la loi[110].
La Cour de Cassation précise que « cette vérification, qui suffit à assurer la protection de l’ordre juridique et des intérêts français, objet même de l’institution de l’exequatur, constitue en toute matière à la fois l’expression et la limite du pouvoir de contrôle du juge chargé de rendre exécutoire en France une décision étrangère, sans que ce juge doive procéder à une révision au fond de la décision ». Les solutions dégagées par l’arrêt Munzer sont bien évidemment applicables à la faillite internationale. En la matière, la seule condition qui appelle des commentaires concerne la conformité à l’ordre public. Nous avons vu par exemple qu’il a été jugé que le prononcé d’une faillite contre un non-commerçant n’était pas contraire à l’ordre public français[111].
Dans un arrêt du 18 janvier 2000, la Cour de Cassation a confirmé que l’ouverture d’une procédure collective à l’égard d’un non-commerçant n’était pas contraire à la conception française de l’ordre public international[112]. Dans cette décision, la Chambre commerciale a également abordé la condition tenant à la compétence du tribunal anglais ayant rendu la décision. Elle la considère satisfaite en constatant que le débiteur « a eu sur le territoire anglais une résidence effective pendant les trois années qui ont précédé la saisine de la Haute Cour de Justice de Londres ainsi qu’une activité commerciale y ayant généré des dettes », le litige se rattachant donc « de manière caractérisée à l’Angleterre ».
De même, nous avons vu que la jurisprudence a affirmé que les principes d’égalité des créanciers ou d’arrêt des poursuites individuelles étaient à la fois d’ordre public interne et international. Il apparaît donc que les conditions posées par l’arrêt Munzer s’appliquent sans difficulté en la matière et que seule une décision heurtant un principe fondamental de notre droit interne des procédures collectives serait susceptible de se voir refuser l’exequatur.
Enfin, il faut rappeler que toute demande d’exequatur d’un jugement étranger de faillite est impossible à compter de l’ouverture d’une procédure collective contre le failli en France[113]. En effet, la coexistence de deux procédures de faillite sur le territoire français – l’une nationale et l’autre étrangère – est impossible.
2) Les effets de l’exequatur
1106. – L’application des principes généraux du droit international privé[114] – La première conséquence de l’exequatur est de conférer au jugement étranger de faillite l’autorité de la chose jugée en France et la force exécutoire. Le jugement étranger de faillite peut donc faire l’objet d’une exécution forcée à compter de cette date. Il acquiert une opposabilité erga omnes. Il empêche donc l’ouverture en France d’une procédure concurrente. Il est considéré que le jugement d’exequatur doit faire l’objet des mêmes mesures de publicité qu’un jugement de faillite directement rendu en France. De même, il peut faire l’objet des voies de recours ordinaires.
1107. – La date de prise en considération des effets de l’exequatur – C’est l’enjeu essentiel et la principale difficulté générée par le jugement d’exequatur : à compter de quand le jugement d’exequatur doit-il produire effet ? Comme l’indique Mme le Professeur Martin-Serf, il s’agit de déterminer « si les actes accomplis par le débiteur en France entre le prononcé de la faillite à l’étranger et le jugement d’exequatur sont valables »[115]. En d’autres termes, le jugement d’exequatur peut-il avoir un effet rétroactif ? Pendant longtemps, la solution était claire. La Cour de Cassation avait posé comme principe que « l’exequatur accordé aux décisions judiciaires par un Tribunal n’a pas d’effet rétroactif et ne saurait porter atteinte à des droits antérieurement acquis[116] ». Il ne produit donc en principe effet que du jour où il est prononcé.
1108. – L’amorce d’une évolution : l’arrêt Société Kléber du 25 février 1986 – Cet arrêt, qui a eu un grand retentissement, est venu remettre en cause la solution traditionnellement retenue quant à la portée dans le temps du jugement d’exequatur. Dans cette affaire, une société de droit danois, qui distribuait au Danemark des pneumatiques fabriqués par la société de droit français Kléber, a été mise en faillite par un jugement du 29 mai 1981. La société Kléber a produit à cette faillite, et a été autorisée par ordonnance du 21 juillet 1981 à faire inscrire une hypothèque judiciaire provisoire sur un immeuble situé en France appartenant à la société danoise. Elle a par la suite introduit une instance en paiement au fond devant le Tribunal de Grande Instance, par assignation du 14 août 1981.
Or, pour s’opposer à cette action, les syndics de la société danoise ont demandé au même Tribunal, les 3 et 4 novembre 1981, l’exequatur du jugement danois de faillite. Cette demande est accueillie le 15 janvier 1982, c’est-à-dire avant la demande en paiement de la société Kléber, qui est déclarée irrecevable par un second jugement du 5 février 1982, ordonnant par là même la radiation de l’inscription provisoire d’hypothèque jugée inopposable à la masse. La Cour d’Appel ayant confirmé les deux décisions, la société Kléber a décidé de se pourvoir en Cassation.
Dans son arrêt du 25 février 1986, la Cour de Cassation valide la position de la Cour d’Appel en affirmant que « si le jugement étranger ne peut permettre de recourir en France à des mesures d’exécution avant la décision d’exequatur, rien n’empêche de prendre en considération certains effets que la loi étrangère de fond attache à la décision déclarée exécutoire en France, sous réserve de la conformité à la conception française de l’ordre public international ; que tel est le cas de l’irrecevabilité d’une demande en paiement et de l’interdiction de pratiquer des saisies et de prendre des mesures conservatoires... prévues en l’espèce par la loi danoise régissant la faillite déclarée par le jugement du 29 mai 1981, revêtu de l’exequatur ».
Le sens de la décision est donc radicalement contraire à la jurisprudence antérieure : il faut, en effet, en tirer comme conséquence la remise en cause du principe selon lequel la suspension des poursuites individuelles des créanciers français ne prend effet qu’à compter du jugement d’exequatur, et non du jugement de faillite étranger. On perçoit bien le revirement par rapport à l’arrêt Richer et autres du 26 juin 1905, qui avait considéré comme parfaitement valable la compensation opérée dans la période comprise entre le prononcé du jugement étranger de faillite et son exequatur en France.
L’arrêt Kléber introduit l’idée que l’exequatur ne vaut pas que pour l’avenir, mais peut également influer sur des mesures antérieures à son prononcé. La Cour introduit la notion de « rétroactivité tempérée », selon l’expression du Professeur Remery[117]. Comme ce dernier le souligne dans son commentaire de la décision, « le sens de l’arrêt est donné dans la réponse au deuxième moyen qui critiquait l’atteinte au principe de non rétroactivité. Une fois l’exequatur obtenu, il sera possible de prendre en considération certaines conséquences que la loi de la faillite attache au jugement déclaratif étranger dès son prononcé »[118].
Il en conclut donc que la Cour de Cassation opère un rapprochement entre le régime des jugements étrangers de faillite et celui des autres jugements constitutifs, dont les effets essentiels remontent à la date de leur prononcé.
1109. – Le jugement Pebsa – La question de la portée de l’exequatur a donné lieu à une autre décision qu’il convient de mentionner. Il s’agit d’une décision du Tribunal de Première Instance de Saint-Pierre-et-Miquelon en date du 26 octobre 1990[119]. L’espèce concernait un jugement espagnol du 22 mars 1990, dont l’exequatur n’a pas été demandé en France, et qui a ouvert une procédure de « suspension des paiements » à l’encontre d’une société de droit espagnol, la société Pebsa. Une des sociétés créancières, également de droit espagnol, a été autorisée par le Tribunal de Première Instance de Saint-Pierre et Miquelon à saisir deux navires relevant de sa juridiction. La société Pebsa a alors sollicité en référé la rétractation de l’ordonnance ayant autorisé les saisies, en invoquant la décision espagnole de suspension des poursuites.
Le Tribunal lui donna raison en affirmant qu’une « décision étrangère, mettant en place une procédure de suspension des poursuites, avec son corollaire l’arrêt des poursuites et des voies d’exécution individuelles, même si elle n’a pas en France l’autorité de la chose jugée et comme en l’espèce dépourvue de tout effet lié à l’exequatur, peut y être reconnue pour y produire des effets de fait et de preuve indépendants de sa régularité internationale ; que selon ces mêmes principes jurisprudentiels certains effets que la loi étrangère de fond attache à une décision exécutoire en France, peuvent être considérés, sous réserve de la conformité à la conception française de l’ordre public international par le juge français ; que présentement, il s’agit uniquement de décisions étrangères non exécutoires en France, mais dont on veut ignorer l’existence devant le juge français pour obtenir un avantage que ne fournirait pas une application stricte de la loi espagnole ; ...dès lors ...il convient de faire droit à la requête de la société Pebsa pour ordonner la rétractation de l’ordonnance... et déclarer en conséquence nulles et non avenues les saisies conservatoires pratiquées ».
Cette décision va beaucoup plus loin que l’arrêt Kléber, puisqu’en l’absence de toute demande d’exequatur du jugement étranger de faillite, il est admis l’arrêt de toute poursuite individuelle en France, c’est-à-dire « une véritable efficacité substantielle, laquelle est subordonnée à l’exequatur[120] ».
Pour intéressant qu’il soit, ce jugement ne reflète pas le droit positif, mais anticipe peut-être ce que sera la position de la Cour de Cassation dans un avenir plus ou moins proche : une prise en compte de plus en plus précoce des effets d’un jugement étranger de faillite non encore revêtu de l'exequatur, afin de favoriser le crédit commercial international et la théorie de l’universalité de la faillite internationale. A travers cette étude de la faillite internationale, on a pu déjà constater la contribution importante du droit des faillites bancaires internationales, notamment en raison de l’affaire BCCI. Cette contribution peut paraître faible eu égard à celle qui se prépare avec l’adoption de différents instruments de droit communautaire, qui risquent de bouleverser la pratique des faillites internationales.
Section
II
Contributions du droit
de la « faillite » bancaire internationale
1110. – Résistance à l’influence étrangère – Le droit français de la faillite internationale est marqué par un fort courant « territorialiste ». L’affaire BCCI permet de confirmer cette analyse d’une part, parce que la Cour de Cassation a confirmé sa jurisprudence favorable aux principes d’une application territoriale de la loi de la « faillite » (§ 1) et d’autre part, parce que les juridictions françaises ont refusé de participer à un « pooling agreement » mis en place par les juridictions anglaises et luxembourgeoises pour tenter de résoudre un certain nombre de difficultés (§ 2).
§ 1.- La
« faillite bancaire
internationale » conforte la
vision « territorialiste » de la jurisprudence française à
l’égard de la « faillite
internationale »
A. Ouverture
de la procédure
1111. – Ouverture d’une procédure collective concurrente à celles ouvertes à Luxembourg et Londres – Ainsi, dans sa décision ouvrant la procédure collective à l'encontre de la BCCI, le Tribunal de Commerce de Paris affirme que « attendu que ces dispositions (article 1er du décret de 1985) donnent compétence à un tribunal français pour ouvrir une procédure collective de redressement judiciaire à l'encontre de sociétés ayant leur siège à l'étranger lorsque celles-ci ont une présence commerciale réelle et une activité en France ; qu'en l'occurrence, il est constant que la BCCI exploite des agences à Paris, Marseille et Cannes[121] ». La Cour d'Appel de Paris confirme ce jugement par un arrêt du 8 juillet 1992[122], ainsi que la Cour de Cassation le 11 avril 1995, dans les termes suivants « mais attendu qu'aux termes de l'article 1er du décret du 27 décembre 1985, dans sa rédaction applicable en la cause, le Tribunal territorialement compétent pour connaître du régime général de redressement judiciaire.... est celui dans le ressort duquel le débiteur a le siège de son entreprise ou, à défaut de siège en territoire français, son principal établissement; que le principal établissement du débiteur, au sens de ce texte, désigne le principal de ses établissements secondaires situés en France[123] ».
Dans le même arrêt, la Cour de Cassation a conforté le principe de territorialité en affirmant que « l’ouverture à l’étranger d’une procédure collective à l’égard d’un débiteur ne met obstacle au prononcé en France du redressement judiciaire de ce même débiteur que si la décision étrangère doit y être reconnue de plein droit en vertu d’un traité ou a déjà reçu l’exequatur ; qu’ayant constaté que le jugement de liquidation provisionnelle rendu par le Tribunal de Grand Caïman ne remplissait aucune de ces deux conditions, la Cour d’appel en a déduit à bon droit... que l’existence de ce jugement n’interdisait pas à la juridiction française d’ouvrir une procédure de redressement judiciaire à l’égard de la BCCI Overseas[124] ».
B. Application de la loi du 25 janvier 1985 aux
« faillites » bancaires internationales
1112. – BCCI : un laboratoire pour le droit international de la faillite – A partir du moment où la justice française s’est saisie de l’aspect français du dossier BCCI, elle a appliqué toutes les dispositions d’ordre public de la loi du 25 janvier 1985, au grand dam des liquidateurs désignés par des pays ou de certains créanciers qui prétendaient détenir des droits exorbitants.
1113. – L’obligation pour les liquidateurs étrangers de respecter les formes et délais de la déclaration de créances – Par six décisions du 14 mai 1996, la Cour de Cassation a opportunément rappelé que la déclaration de créances effectuée par les organes de la procédure étrangers était soumise à la lex fori. L’origine de l’arrêt réside dans le recours des liquidateurs nommés dans le cadre de la procédure étrangère, qui ont vu leur déclaration de créance rejetée par le juge-commissaire nommé dans la procédure française.
La Cour de Cassation procède en deux temps : dans un premier temps, elle reconnaît que les liquidateurs tiennent du jugement, même non revêtu de l’exequatur, le pouvoir de représenter les créanciers ayant produit entre leurs mains ou auprès de la juridiction étrangère. Par là même, la Cour de Cassation reconnaît qu’un jugement étranger même non revêtu de l’exequatur produit des effets en France.
Toutefois, La Cour de Cassation énonce que les liquidateurs « n'étaient pas dispensés... de respecter les exigences de forme et de délais imposées par la loi française de la faillite » et « qu'il résultait des dispositions de celle-ci... que les liquidateurs devaient indiquer, pour chacun des créanciers qu'ils représentaient, les éléments de nature à prouver l'existence et le montant de sa créance et assortir ces indications de pièces justificatives[125] ». La solution est logique dans la mesure où les règles de procédure sont, par nature, soumises à la Loi du for, et que la déclaration de créance est, par nature, un acte de procédure.
1114. – Arrêt des poursuites individuelles – La jurisprudence française applique le principe de l'arrêt des poursuites individuelles à une faillite internationale. C'est ainsi que dans un arrêt du 19 décembre 1995, la Cour de Cassation a opposé ce principe à la Banque Africaine de Développement (BAD) qui entendait obtenir du Tribunal de Commerce de Paris, après l'ouverture de la faillite, la restitution de fonds déposés à la succursale de la BCCI en France. La Cour affirme que la BAD devait, en qualité de créancière de la BCCI, se soumettre aux règles d'ordre public international de la procédure collective ouverte à l'encontre de son débiteur, notamment celle de l'arrêt des poursuites individuelles[126].
1115. – Compensation internationale bilatérale – Toujours dans l’affaire BCCI, nous avons déjà évoqué l’affaire BCCI/Banque de Chine (cf. n° 707). Après avoir insister sur l’autonomie dont jouissent les succursales d’établissement de crédit au regard du droit bancaire, la Cour d’Appel a considéré qu’en l’espèce, la succursale française de la BCCI ayant prêté des fonds à la Banque de Chine, la loi applicable était la loi française. Par ailleurs, cet arrêt, qui est présenté comme condamnant une conception universaliste de la faillite internationale, permet à la Cour d’Appel de déterminer le cadre de la compensation légale en érigeant l’autonomie de la succursale bancaire au rang de personnalité juridique.
Ainsi, la Cour d’Appel de Paris rejette-t-elle la compensation au motif que la Banque de Chine n’établit pas l’existence de sa créance à l’encontre de la succursale française, peu importe si elle pouvait détenir des créances sur d’autres succursales ou sur l’être moral dans son pays d’origine.
§ 2.– La
résistance des juridictions françaises à la pratique du « pooling agreement »
A. Présentation
de la pratique du « pooling agreement »
1116. – Une réponse pragmatique à une situation complexe – Compte tenu de la structure du groupe BCCI[127], les juridictions françaises avaient ouvert une procédure de redressement[128], puis de liquidation judiciaire[129], à l’encontre de la succursale française de la BCCI Overseas Ltd, dont le siège social était dans les îles Cayman.
De la même manière, différentes juridictions luxembourgeoises[130], anglaises[131] et des îles Cayman[132] ouvrirent des procédures parallèles de liquidation des différentes entités et composantes de la BCCI. Les juridictions luxembourgeoises avaient pris position en faveur d’un règlement universel de la faillite alors que les juridictions anglaises imposaient l’application d’un règlement territorial. Devant une telle divergence de points de vue, il convenait de trouver une solution qui était rendue nécessaire par l’imbrication des sociétés, des mouvements de fonds[133] entre elles et la communauté d’intérêts qui existaient.
Nous étions en présence de ce que le droit français n’aurait pas manqué de qualifier de confusion de patrimoines si la question lui avait été posée. Au nom de la nécessaire égalité des créanciers, d’une bonne organisation de la justice et de l’évidente confusion des patrimoines, il a été conclu entre les différents « syndics » nationaux un accord pour coordonner les opérations de liquidation au niveau du groupe en vue de la mise en commun et de l’administration commune de tous les avoirs réalisés et à réaliser par les différentes entités.
Ce « pooling agreement » représente une organisation contractuelle de liquidation universelle. Une première observation s’impose, nous sommes en présence d’une procédure de liquidation et non d’une procédure de redressement. En effet, il est toujours plus facile de coordonner une procédure de liquidation dont la finalité consiste à réaliser au mieux les actifs (ou à faire payer les responsables) et à se partager ce prix, alors qu’une procédure de redressement intègre des facteurs locaux très forts et pouvant générer des conflits d’intérêts entre les différents Etats (quels emplois faut-il défendre : les emplois luxembourgeois, anglais ? quelle activité est-il possible de sauver ? à quel prix ?).
La deuxième observation consiste à relever que cette organisation contractuelle de la procédure a été rendue possible car cette « faillite » dépassait les intérêts d’un seul des 70 Etats concernés.
Une troisième et dernière observation nous permet de rapprocher le « pooling agreement » de la technique juridique choisie par l’Union Européenne dans le cadre de la directive concernant l’assainissement et la liquidation d’un établissement de crédit (Dalec). Cette directive reprend la nécessaire organisation universelle de la liquidation d’un établissement de crédit, tout en prévoyant que le « syndic » désigné par le pays d’origine peut se faire assister par des « syndic » locaux (cf. n° 1151). Pour autant, les juridictions françaises ont refusé de participer ou de valider le « pooling agreement ».
B. L’exception française : le maintien de
la territorialité de la « faillite bancaire internationale » atténué
par la prise en compte de la notion de « contribution agreement »
1117. – La contribution volontaire est l’adaptation française du « contribution agreement » – Comme nous l’avons déjà signalé, l’ouverture de procédures collectives antérieures dans des pays voisins ou éloignés, n’a pas empêché les juridictions françaises d'ouvrir une procédure de redressement puis de liquidation judiciaire et d’appliquer la loi du 25 janvier 1985 à la succursale française de la BCCI Overseas Ltd, érigée pour la peine au rang de quasi-personne morale. De plus certains auteurs ont critiqué la position des juridictions françaises qui ont cherché à favoriser les créanciers français. Si le droit français ne semble pas prêt à admettre le « pooling agreement », il n’a pas hésité à adopter et à adapter la pratique du « contribution agreement ». En effet, les mandataires étrangers ont passé un accord transactionnel avec le principal actionnaire de la BCCI, l’émir d’Abou Dhabi pour qu’il indemnise les créanciers de cette dernière. Ainsi, après bien des péripéties procédurales[134], les créanciers étrangers ont pu se partager 1,8 milliard de dollars (à comparer au 10 milliards de dollars réclamés par les créanciers). En France, le mandataire liquidateur a été autorisé, en application de l’article 158, alinéa 2, de la Loi du 25 janvier 1985, à signer une transaction avec le Gouvernement d’Abu Dhabi, dont le prince était le principal actionnaire de la BCCI.
1118. – Après BCCI : le renforcement de la réglementation dans le souci de la protection – Devant les difficultés rencontrées dans la coopération juridictionnelle, la Commission européenne a réagi en faisant évoluer le droit bancaire européen en matière de prévention et d’amélioration de la sécurité financière. Avant d’arriver à l’examen du Règlement Insolvabilité et de la Dalec, il convient de rappeler trois textes significatifs qui constituent autant d’étape dans la construction d’une Europe bancaire et financière sécurisée : (i) directive de 1994 relative à la garantie des dépôts[135] ; (ii) directive de 1995 relative à la surveillance et à la détection des difficultés[136] et (iii) directive de 1998, relative à l’irrévocabilité des ordres et systèmes de paiement.
Pour
en savoir plus…
Faillite
internationale
Remery, La faillite internationale, Que Sais-je ?, 1996.
Martin-Serf, La faillite internationale : une réalité économique pressante, un enchevêtrement juridique croissant, JDI, 1995, 1, 32.
Faillite
de la BCCI
Mattout, « La défaillance d’une banque : aspects internationaux », in Colloque de Deauville, Rev. jur. com., 1996, n° spécial, p. 114 et s.
Péricard, « La faillite de la BCCI, quelques enseignements tirés des conflits judiciaires issus d'une faillite bancaire internationale », Banque & Droit, hors série, avril 1996.
Chapitre II
Le traitement communautaire
de l'assainissement
et de la liquidation
d'un
établissement de crédit
1119. – Une réponse coordonnée à l’imbroglio jurisprudentiel – De par son origine jurisprudentielle, la faillite internationale ne résout pas, de manière uniforme, les conflits de lois ou de juridictions qui peuvent surgir à l’occasion de la défaillance d’un établissement de crédit exerçant son activité sur plusieurs Etats de l’Union Européenne. Chaque autorité judiciaire nationale tente de « tirer la couverture à soi ». Pour mettre un terme à ces pratiques, l’Union Européenne vient d’adopter deux textes. Le premier régit les procédures d’Insolvabilité de droit commun. Le second est spécifiquement adapté aux mesures d’assainissement et à la liquidation des établissements de crédit (Dalec). Afin d’apprécier la portée de cette Dalec (Section II), il nous a paru opportun de présenter sommairement les grands lignes du Règlement Insolvabilité auquel la Dalec fait référence par défaut (Section I).
Section I
Présentation générale du Règlement
Insolvabilité
·
1120. – Un texte de référence – Le Règlement CE n° 1346/2000 du 29 mai 2000 relatif aux procédures d’insolvabilité[137] (ci-après le « Règlement Insolvabilité ») constitue un texte majeur. En effet, il est l’aboutissement de quarante années d’effort pour mettre au point un texte aussi fondamental[138]. Le Règlement Insolvabilité s’inscrit dans le cadre du Traité de Rome puisque son but est « d’établir un espace de liberté, de sécurité et de justice » (1er considérant).
Derrière cet objectif ambitieux, on trouve un texte de compromis qui ne résout pas tous les problèmes mais qui tente d’apporter des solutions concrètes : reconnaissance automatique d’une procédure d’insolvabilité, possibilité d’ouvrir plusieurs procédures en instaurant une hiérarchie entre la procédure principale et les procédures secondaires, détermination des lois applicables en cas de conflit, détermination des juridictions compétentes.
Il convient de préciser que les procédures relatives aux établissements de crédit et aux assurances sont exclues du champ d’application de la Dalec, de même en ce qui concerne la procédure de « surendettement » issue de la loi Neiertz de 1989. Dans le cadre d’une première approche de ce texte, nous évoquerons d’une part les moyens mis en œuvre pour améliorer et accélérer les procédures d’insolvabilité ayant des effets transfrontaliers (§ 1) et d’autre part, la volonté affirmée de limiter les divergences entre les droits nationaux en organisant une nécessaire coopération (§ 2).
·
·
§ 1. – Améliorer et accélérer la procédure
d’insolvabilité
·
1121. – Des solutions claires dans l’espace juridique européen – Le Règlement Insolvabilité prend parti sur deux questions fondamentales qui sont la détermination du tribunal compétent (A) et la détermination de la loi applicable (B). Ce faisant, il harmonise les solutions entre les différentes juridictions nationales qui pouvaient ne pas avoir sur ces questions des approches identiques. Cette harmonisation, source de sécurité juridique, nous paraît bienvenue.
·
A. Détermination
du tribunal compétent
1122. – Procédures principale et secondaire – L’article 3-1°) du Règlement Insolvabilité énonce que « les juridictions de l’Etat membre sur le territoire duquel est situé le centre des intérêts principaux du débiteur sont compétentes pour ouvrir la procédure d’insolvabilité ». Le texte précise que pour les sociétés et les personnes morales, le centre des intérêts principaux est présumé jusqu’à preuve du contraire être le lieu du siège social.
L’article 3-2°) précise que les juridictions d’un autre Etat ne sont compétentes pour ouvrir une procédure d’insolvabilité à l’égard de ce débiteur que si celui-ci « possède un établissement sur le territoire de cet autre Etat ». Le Règlement ajoute aussitôt que les effets de cette procédure sont limités aux biens du débiteur se trouvant sur ce dernier territoire.
Par ailleurs, l’article 3-3°) introduit une classification dans les procédures. Si la procédure concernant un établissement est introduite postérieurement à celle relative au débiteur, cette procédure est qualifiée de « secondaire » et ses effets ne peuvent être que ceux d’une « procédure de liquidation » la plaçant ainsi dans un état de subordination.
Enfin, l’article 3-4°) prévoit que la procédure territoriale d’insolvabilité relative à un établissement ne peut être ouverte avant une procédure principale que si l’une des deux conditions est remplie : soit, la procédure d’insolvabilité principale ne peut pas être ouverte dans le pays du centre des intérêts principaux du débiteur en raison des règles propres à ce pays (par exemple, absence d’état de cessation des paiements en France) ; soit, l’ouverture de la procédure secondaire est demandée par un créancier du pays dans lequel est situé l’établissement ou dont la créance a son origine dans l’exploitation de cet établissement.
·
B. Détermination
de la loi applicable
1123. – Détermination autoritaire de la loi applicable – « Les méthodes ne sont pas originales. Comme il est fréquent en droit communautaire, l’on assiste à un mélange de règles matérielles et de règles de conflits »[139]. Ainsi, l’article 4 pose le principe de l’application de la lex concursus pour tout ce qui concerne l’ouverture, le déroulement et la clôture de la procédure. Il s’agit d’une application classique des principes du droit français. Cependant, le Règlement Insolvabilité prévoit un certain nombre de dérogations, notamment en ce qui concerne les droits réels des tiers (article 5) ; la compensation est possible lorsque cette compensation est permise par la loi applicable à la créance du débiteur insolvable (article 6) ; la clause de réserve de propriété (article 7) ; les contrats portant sur un bien immobilier, application de la lex rei sitae (article 8) ; les systèmes de paiement et marchés financiers, renvoient à la directive 98/26 (article 9) et les contrats de travail continuent à être régis par la loi applicable au contrat (article 10).
§ 2. –
Meilleure organisation des procédures
·
1124. – Hiérarchisation des procédures – Le Règlement Insolvabilité reconnaît la possibilité d’une pluralité de « faillites » (A). Pour autant, il organise les procédures en favorisant les procédures principales qui, en quelque sorte, « mènent la danse », les procédures secondaires devenant dès lors subsidiaires (B).
·
A. Priorité
à la procédure principale
1125. – Reconnaissance des décisions sans exequatur – L’article 16-1 fixe le principe : « Toute décision ouvrant une procédure d’insolvabilité […] est reconnue dans tous les autres Etats membres dès qu’elle produit ses effets dans l’Etat d’ouverture. » Cette reconnaissance de plein droit des effets d’un jugement d’ouverture produit, sans aucune formalité dans tout Etat membre, les effets que lui attribue la loi de l’Etat d’ouverture, sauf disposition contraire du présent Règlement (article 17-1).
·
1126. – Reconnaissance des pouvoirs du syndic principal – En présence d’une faillite unique, l’article 18-1 précise que le syndic peut exercer sur le territoire des autres Etats membres tous les pouvoirs qui lui sont conférés par loi de l’Etat d’ouverture, y compris le déplacement des biens. Toutefois, le syndic doit respecter les droits réels des tiers dans les conditions fixées par le Règlement. De même, les pouvoirs du syndic ne peuvent inclure l’emploi de moyens contraignants ni le droit de statuer sur un litige ou un différend.
En présence d’une pluralité de faillites, le syndic principal « doit logiquement s’effacer au profit du syndic secondaire[140] », les deux syndics étaient par ailleurs tenus de s’informer réciproquement et de coopérer. Dans un souci de protection des droits des créanciers, le syndic principal peut produire les créances déjà produites dans la procédure principale. Par ailleurs, le Règlement reconnaît au syndic principal un certain nombre de droits lui permettant de peser sur la procédure secondaire (suspension de la liquidation pour une durée de 3 mois renouvelables, clôture de la procédure secondaire sans liquidation par un plan de redressement, concordat ou mesure comparable). Cela démontre bien le caractère subsidiaire de la procédure secondaire.
·
B. Caractère
subsidiaire de la procédure secondaire
1127. – Pouvoirs limités des syndics secondaires – Les cas d’ouverture d’une procédure secondaire sont limités. Les pouvoirs des syndics secondaires sont territorialement limités, sauf exception prévue par le Règlement. De plus, il pèse sur le syndic secondaire une obligation d’information et de coopération. Le syndic principal peut influer directement ou indirectement sur la procédure secondaire. Les créanciers peuvent produire une nouvelle fois dans la faillite secondaire soit directement soit par l’intermédiaire du syndic principal. Le Règlement Insolvabilité s’applique à toutes les activités commerciales à l’exception des activités bancaires et d’assurance. Il s’applique à tous les Etats de l’Union à l’exception du Danemark. Ce Règlement entrera en vigueur le 31 mai 2002. D’ici là, les meilleurs auteurs auront pu se pencher sur sa rédaction et tenter de répondre aux questions que la pratique ne manquera pas de soulever.
Section
II
La directive
relative à l’assainissement
et à la
liquidation d’un établissement de crédit (Dalec)
·
1128. – Des principes de droit français remis en cause par la Dalec – Nous avons vu que la jurisprudence française privilégiait le principe de territorialité de la faillite internationale et admettait les faillites concurrentes même, si ces dernières années, la jurisprudence a évolué dans le sens inverse. Cette évolution n’est rien par rapport à celle contenue dans la Dalec. Après avoir présenté les objectifs et les principes directeurs de cette Directive (§ 1), nous procéderons à une première lecture de ses dispositions (§ 2).
·
§ 1. – Objectifs
et principes directeurs de la Dalec
1129. – Origines de la Directive – Sur proposition de la Commission[141] et après consultation du Parlement[142], du Comité Economique et Social[143] et de l’Institut Monétaire Européen[144], le Conseil de l’Union Européenne a adopté une position commune[145] en vue de l’adoption de la Directive du Parlement et du Conseil concernant l’assainissement et la liquidation des établissements de crédit. La Dalec a été promulguée le 4 avril 2001[146] et elle constitue une directive ambitieuse qui présente des objectifs clairs (A), et des principes directeurs affirmés (B) qu’il convient d’étudier pour les garder à l’esprit quand nous détaillerons son contenu.
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A. Objectifs
clairs de la Dalec
1130. – Traitement
égalitaire des créanciers et reconnaissance mutuelle – Dans sa présentation
de la Dalec, le Conseil de l’Union Européenne précise ses objectifs à
savoir : « afin de garantir aux
créanciers un traitement égal et d'assurer le bon déroulement de
l'assainissement et de la liquidation des établissements de crédit au sein de
l'UE, la Directive vise à faire en sorte que :
– les autorités administratives ou judiciaires de l'État membre d'origine
aient la compétence exclusive pour
adopter et mettre en œuvre des mesures d'assainissement et des procédures de liquidation
conformes à la Loi et aux pratiques en vigueur dans cet État membre, sauf dans
les cas où la Directive en dispose autrement, et
– les droits des créanciers domiciliés dans un État membre autre que l'État membre d'origine soient protégés ».
1131. – Principes d’unité et d’universalité – C’est donc l’unité et l’universalité[147] de la faillite, ou plutôt de la procédure d’insolvabilité, qui sont mises en avant dans le respect d’une égalité des créanciers, non pas entendu en fonction de l’existence ou non de privilèges, mais en considération de leur origine géographique. Par ailleurs, la position commune justifie le choix de l’unité et de l’universalité de la procédure, plutôt qu’une vaine tentative d’harmonisation des législations nationales disparates, au motif que la reconnaissance mutuelle des mesures d’assainissement des procédures de liquidation ainsi que la coopération nécessaire à cet effet devraient porter de meilleurs fruits. Il est à noter que la Dalec tient compte de l’adoption du Règlement Insolvabilité du 29 mai 2000[148], qui exclut expressément de son champ d’application les établissements de crédit et les entreprises d’assurance[149] en raison de la réglementation spécifique régissant ces secteurs.
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1132. – Intégration de la Dalec dans la définition d’un espace européen harmonisé – La Dalec s’inscrit dans la définition d’un espace financier européen harmonisé. Ainsi, après avoir détaillé les conditions d’existence[150], de fonctionnement et de contrôle[151] d’un établissement, ainsi que les conséquences d’une défaillance sur certaines catégories de déposants[152] ou sur certains contrats[153], la Commission se devait de prévoir et d’organiser la mort éventuelle d’un établissement. Pour cela, après de nombreuses négociations avec le Parlement, elle a opté pour une Directive qui présente des principes directeurs clairs.
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B. Principes
directeurs de la Dalec
1133. – Principes directeurs de la Dalec – Les principes directeurs énoncés par les considérants de la Dalec sont au nombre de trente-deux. Nous ne retiendrons que ceux qui, selon nous, doivent servir de guide pour l’interprétation de la Directive ou ceux dont l’affirmation recèle des évolutions significatives et futures du droit.
– Les principes de l’unité et de l’universalité « postulent la compétence exclusive des autorités administratives ou judiciaires de l'État membre d'origine et la reconnaissance de leurs décisions qui doivent pouvoir produire sans aucune formalité, dans tous les autres États membres, les effets que leur attribue la loi de l'État membre d'origine, sauf si la Directive en dispose autrement » (16e considérant).
Toutefois, ce principe doit céder devant le principe de proportionnalité, notamment lorsque ses effets « peuvent entrer en conflit avec les règles normalement applicables dans le cadre de l'activité économique et financière de l'établissement de crédit et de ses succursales dans les autres États membres. Le renvoi à la loi d'un autre État membre représente dans certains cas un tempérament indispensable au principe de l'applicabilité de la loi de l’Etat d'origine » (23e considérant), notamment afin de « protéger les travailleurs liés à l'établissement par un contrat de travail, d'assurer la sécurité des transactions portant sur certains biens ainsi que de préserver l'intégrité des marchés réglementés qui fonctionnent conformément au droit d'un État membre, sur lesquels sont négociés des instruments financiers » (24e considérant). A cet égard, la Dalec n’affecte pas les transactions effectuées dans le cadre d'un système de paiement et de règlement protégé par la Directive 98/26/CE relative au caractère définitif du règlement dans les systèmes de paiement et de règlement des opérations sur titres (25e et 26e considérants).
– Le principe de reconnaissance mutuelle des mesures d’assainissement et des procédures de liquidation est mis en évidence par l’adoption : (i) de la Directive 94/19/CE relative au système de garantie des dépôts (5e considérant) ; (ii) des conditions d’agrément résultant de la Directive 2000/12/CE (9e considérant) ; de plus il est rendu nécessaire par le fait qu’il est « indispensable de garantir que les mesures d'assainissement prises par les autorités administratives ou judiciaires de l'État membre d'origine, ainsi que les mesures prises par les personnes ou organes désignés par ces autorités afin de gérer ces mesures d'assainissement produisent leurs effets dans tous les États membres, y compris les mesures qui comportent la possibilité d'une suspension de paiements, d'une suspension des mesures d'exécution ou d'une réduction des créances, ainsi que toute autre mesure susceptible d'affecter les droits préexistants des tiers » (7e considérant) ; en effet, trop souvent dans le passé, les autorités judiciaires ou administratives sont entrées en concurrence sans réelle concertation ou coopération (voir l’exemple de la BCCI[154]).
– Le principe de coopération complète celui de reconnaissance mutuelle des décisions de l’autorité compétente dans un Etat, notamment s’il existe des succursales d’un établissement de crédit dans plusieurs Etats membres (13e considérant) ; afin de le rendre opérant, il est prévu que « les autorités administratives ou judiciaires de l'État membre d'origine informent sans délai les autorités compétentes de l'État membre d'accueil de l'adoption de toute mesure d'assainissement ou de l'ouverture de toute procédure de liquidation, si possible avant l'adoption de la mesure ou l'ouverture de la procédure, ou, sinon, immédiatement après » (31e considérant), tout en respectant le secret professionnel, « élément essentiel à toutes les procédures d'information ou de consultation » (32e considérant).
– Le principe de l’égalité des créanciers est plusieurs fois réaffirmé (12e et 16e considérants).
– Affirmation de l’unité économique entre un établissement de crédit et ses succursales (3e considérant) : « Pendant sa période d'activité, l'établissement de crédit et ses succursales forment une entité unique soumise à la surveillance des autorités compétentes de l'État où a été délivré l'agrément valable dans l'ensemble de la Communauté » ; toutefois, il est toujours possible de renoncer à cette unité « lorsqu'il est nécessaire d'adopter des mesures d'assainissement ou d'ouvrir une procédure de liquidation » (4e considérant).
– Un droit à l’information individuelle est reconnu aux créanciers (20e considérant) ainsi que l’organisation d’une certaine publicité pour les tiers en cas de mise en œuvre de mesures d’assainissement (11e considérant) ou de procédure de liquidation (20e considérant).
– La Dalec comprend deux nouvelles dérogations au droit commun des procédures collectives :
• d’une part, le cocontractant de bonne foi est pris en considération, de telle sorte que sa protection résiste à l’agression des « dispositions relatives à la nullité, l'annulation ou l'inopposabilité prévues dans la loi de l’Etat membre d'origine, lorsque celui qui bénéficie de la transaction apporte la preuve que, dans la loi qui est applicable à cette transaction, il n'existe aucun moyen applicable en l'espèce permettant d'attaquer l'acte concerné » (28e considérant) ;
• d’autre part, la Dalec lève partiellement la suspension des poursuites en cours (article 47 de la Loi du 25 janvier 1985, devenu l’article L. 621-40 du Code de Commerce) ; en effet, elle prévoit que « les effets des mesures d'assainissement ou des procédures de liquidation sur une instance en cours sont régis par la loi de l’Etat membre dans lequel cette instance est en cours par exception à l'application de la lex concursus » (30e considérant).
§ 2. – Premières lectures de la Dalec
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1134. – Commentaire composé – Nous proposons d’étudier le contenu de la Dalec en commençant par son champ d’application et les définitions qu’elle contient (A), avant d’aborder les dispositions communes (B), pour finir par les mesures d’assainissement (C) et les procédures de liquidation (D). A cet égard, il convient de relever d’ores et déjà que la notion d’assainissement ne se superpose pas à celle de redressement judiciaire. Bien au contraire, cette notion ne faisait pas référence à la Loi du 25 janvier 1985 (devenue le Livre VI du Code de Commerce) mais aux seules mesures de prévention propres au droit bancaire. Ainsi, dans la première version de la Directive (1985), l’annexe[155] décrivant les mesures d’assainissement pour la France cite exclusivement les « Mesures prévues par la Loi n° 84/46 du 23 janvier 1984 relative à l’activité et au contrôle des établissements de crédit : (a) mesures à prendre par la Commission bancaire : (i) injonction (article 43) ; (ii) désignation d’un administrateur (article 44) ; (iii) interdiction de certaines opérations ou limitation de l’activité (article 45) ; (iv) suspension temporaire ou démission d’office des dirigeants (article 45) ; (b) mesure à prendre par le gouverneur de la Banque de France : organiser le concours de l’ensemble des établissements de crédit en vue de prendre les mesures nécessaires à la protection des déposants et des tiers, au fonctionnement du système bancaire ainsi qu’à la préservation du renom de la place[156] ».
Nous voulons voir dans cette définition des mesures d’assainissement, et du silence gardé sur les dispositions de la Loi du 25 janvier 1985 relatives au plan de redressement, une confirmation de notre analyse selon laquelle le traitement des difficultés d’un établissement de crédit ne peut prendre qu’une double forme : d’une part, des mesures préventives tendant à éviter la cessation des paiements et d’autre part, des mesures de liquidation pures et simples, sans possibilité, sauf exception, d’une procédure de redressement.
A. Champ
d’application – Définitions – Entrée en vigueur
1) Définitions – champ d’application
a) Champ
d’application
1135. – Etablissement de crédit d’un Etat membre de l’Union Européenne – L’article 1.1 de la Dalec s’applique à tous les « établissements de crédit et à leurs succursales créées dans un État membre autre que celui du siège statutaire, tels qu'ils sont définis à l'article 1er, premier et troisième points, de la Directive 2000/12/CE, sous réserve des conditions et exemptions prévues à l'article 2, paragraphe 3, de ladite Directive ».
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1136. – Sort de la succursale d’un établissement de crédit hors Union Européenne – L’article 1-2 de la Dalec prévoit d’étendre son application aux succursales de l’« établissement de crédit qui a son siège statutaire hors de la Communauté lorsqu'il existe des succursales de cet établissement dans au moins deux États membres de la Communauté ». Cette mesure tend à étendre considérablement les effets de la Dalec. En effet, de nombreuses banques américaines (par exemple la Chase Manhattan Bank) exercent leurs activités à travers des succursales dans plus de deux Etats membres. Le moment venu, il conviendra de vérifier la compatibilité du droit communautaire et du droit américain.
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b) Principales
définitions
1137. – Souci de simplification – Dans un souci
constant de simplification et afin d’éviter les difficultés d’interprétation
ultérieures, les articles 2 et 16 de la proposition modifiée de la Commission,
qui se référaient aux annexes énumérant les mesures et les procédures couvertes
par la Directive dans chacun des Etats membres, ont été supprimés ainsi que les
annexes. Cette suppression des annexes permet d'éviter la question, difficile
aux plans juridique et technique, de la manière d’incorporer dans la directive
les modifications apportées à l’avenir par les lois nationales[157]. Ainsi, la position
commune précise que, « afin d'éviter
toute confusion concernant les autorités auxquelles se réfère la Directive, une
définition du terme "autorités administratives ou judiciaires" a été
rajoutée : ces autorités sont celles compétentes en matière de mesures
d'assainissement ou de procédures de liquidation, par opposition à celles compétentes en matière de
surveillance des établissements de crédit. Étant donné que ces définitions
s'étendent aux autorités compétentes tant pour les mesures d'assainissement
que pour les procédures de liquidation, la position commune intègre sur le fond
l'amendement que le Parlement européen a proposé en ce qui concerne l'article 3
de la proposition de la Commission[158] ».
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1138. – Définitions par renvoi – L’article 2 de la Dalec définit :
– un « État membre d'origine » comme l'État membre d'origine au sens de l'article 1er, point 6, de la Directive 2000/12/CE ; c’est-à-dire « l’Etat membre dans lequel un établissement de crédit a été agréé » ;
– un « État membre d'accueil » : l'État membre d'accueil au sens de l'article 1er, point 7, de la Directive 2000/12/CE ; c’est-à-dire « l’Etat membre dans lequel un établissement de crédit a une succursale ou fournit des services » ;
– une « succursale » : une succursale au sens de l'article 1er, point 3, de la Directive 2000/12/CE ; c’est-à-dire « un siège d’exploitation qui constitue une partie dépourvue de personnalité juridique d’un établissement de crédit et qui effectue directement, en tout ou partie, les opérations inhérentes à l’activité d’établissement de crédit ; plusieurs sièges d’exploitation créés dans le même Etat membre par un établissement de crédit ayant son siège social dans un autre Etat membre sont considérés comme une seule succursale » ;
– une « autorité compétente » : les autorités compétentes au sens de l'article 1er, point 4, de la Directive 2000/12/CE, c’est-à-dire : « les autorités nationales habilitées en vertu d’une loi ou d’une réglementation à contrôler les établissements de crédit » ;
– un « marché reconnu »: un marché réglementé au sens de l'article 1er, point 13, de la Directive 93/22/CEE, c’est-à-dire « un marché reconnu par les autorités compétentes qui : (i) fonctionne régulièrement ; (ii) a des règles établies ou approuvées par les autorités appropriées du pays d’origine du marché qui définissent les conditions de fonctionnement du marché, les conditions d’accès au marché ainsi que les conditions que doit remplir un contrat avant de pouvoir être effectivement négocié sur le marché ; (iii) dispose d’un mécanisme de compensation prévoyant que les contrats énumérés en Annexe IV sont soumis à des exigences en matière de marges journalières offrant une protection jugée appropriée par les autorités compétentes ».
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1139. – Définitions propres à la Dalec ou partagées avec la Dalea – L’article 2 définit les termes comme :
– « administrateur » : « toute personne ou tout organe nommé par les autorités administratives ou judiciaires dont la fonction est de gérer des mesures d'assainissement » ;
– « autorités administratives ou judiciaires » : « les autorités administratives ou judiciaires des États membres compétentes en matière de mesures d'assainissement ou de procédures de liquidation » ;
– « mesures d'assainissement » : « les mesures qui sont destinées à préserver ou rétablir la situation financière d'un établissement de crédit et qui sont susceptibles d'affecter les droits préexistants de tiers, y compris les mesures qui comportent la possibilité d'une suspension des paiements, d'une suspension des mesures d'exécution ou d'une réduction des créances » ;
– « liquidateur » : « toute personne ou tout organe nommé par les autorités administratives ou judiciaires dont la fonction est de gérer des procédures de liquidation » ;
– « procédures de liquidation » : « les procédures collectives ouvertes et contrôlées par les autorités administratives ou judiciaires d'un État membre dans le but de la réalisation des biens sous la surveillance de ces autorités, y compris lorsque cette procédure est clôturée par un concordat ou une autre mesure analogue ».
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2) Entrée en vigueur
1140. – Date d’entrée en vigueur – L’article 35 de la Dalec dispose que « la présente Directive entre en vigueur le jour de sa publication au Journal Officiel des Communautés européennes ». L’article 34 de la Dalec précise que les Etats membres devront se conformer à la présente directive avant le 5 mai 2004.
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B. Dispositions
communes
1141. – Importance des dispositions communes – Il nous a paru nécessaire de commencer par les dispositions communes, qui n’apparaissent qu’au titre IV de la Dalec, pour deux raisons.
La première consiste à relever que ces dispositions ont été ajoutées à la première proposition de la Commission de 1985 afin de garantir d’une part, la cohérence juridique de la législation communautaire et d’autre part, la sécurité juridique de certaines opérations, par dérogation expresse au principe d’universalité.
La seconde motivation de cette étude préalable est d’ordre logique. Il nous paraît préférable d’étudier d’abord les dispositions communes à l’assainissement et à la liquidation, quitte ensuite à vérifier si dans tel ou tel cas, ces principes ne sont pas amodiés ou ne connaissent pas d’exceptions.
Le Titre IV de la Dalec comprend quatorze articles que nous avons réunis autour des quatre idées suivantes : effets des mesures d’assainissement et de liquidation sur certains contrats (1), questions relatives à l’information sur les procédures (2), pouvoirs des administrateurs et liquidateurs (3), nouvelles dérogations au droit commun de la procédure collective (4).
Certaines dispositions du Titre IV seront complétées par des dispositions communes mais dispersées en raison de leur application particulière dans le cadre des mesures d’assainissement ou des procédures de liquidation.
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1) Mesures relatives au sort des contrats et à
certains droits
a) Exceptions au principe de l’universalité et renvoi vers le droit
applicable
1142. – Règles de conflit de lois – Le Titre IV de la Dalec présente l’avantage de résoudre les éventuels conflits de lois. De manière générale, il convient de remarquer que ces dispositions sont « alignées » sur les dispositions équivalentes contenues dans le Règlement Insolvabilité.
Outre le fait qu’elles simplifient cette question difficile et garantissent une meilleure sécurité juridique, ces règles devraient permettre une meilleure coopération entre les différentes autorités (administratives ou judiciaires) en charge des mesures d’assainissement et des procédures de liquidation.
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1143. – Enumération – L’article 20 alinéa 1, a) précise que les contrats et les relations de travail sont régis exclusivement par la loi de l’Etat membre applicable au contrat de travail. Cette disposition, alignée sur l’article 10 du Règlement Insolvabilité, « a été introduite pour protéger les employés d'une succursale d'un établissement de crédit située sur le territoire d'un État membre d'accueil contre le risque que leur contrat ne relève du jour au lendemain de la Loi d'un autre État membre[159] ».
Conformément aux règles de droit commun du droit international privé (lex rei sitae)[160], l’article 20, alinéa 1 b), prévoit qu’un contrat donnant le droit de jouir d'un bien immobilier ou de l'acquérir est régi exclusivement par la loi de l’Etat membre sur le territoire duquel cet immeuble est situé. Pour éviter les questions d’interprétation, cet alinéa précise in fine que la loi du lieu de situation détermine si un bien est meuble ou immeuble. Ce paragraphe est « aligné » sur l'article 8 du Règlement Insolvabilité. L’article 31 vise plus particulièrement les droits immobiliers ou assimilés faisant l’objet d’une mesure de publicité auprès d’un registre public. Ces droits sont régis exclusivement par la loi de l’Etat membre sous l'autorité duquel le registre est tenu. La position commune relève que « cette disposition, qui est fondée, mais pas totalement alignée, sur l'article 11 du Règlement "Insolvabilité", est insérée pour éviter un conflit avec les systèmes nationaux d'enregistrement des biens immobiliers, des navires ou des aéronefs lorsque la loi de l’Etat membre d'origine comporte des dispositions qui risquent d'être incompatibles avec la loi régissant le registre[161] ». Par ailleurs, l’article 22 vient préciser que, lorsque, par un acte conclu après l'adoption d'une mesure d'assainissement ou l'ouverture d'une procédure de liquidation, l'établissement de crédit dispose à titre onéreux : (i) d’un bien immobilier ; (ii) d'un navire ou d'un aéronef soumis à immatriculation dans un registre public ; ou, (iii) des instruments ou des droits sur de tels instruments dont l'existence ou le transfert suppose une inscription dans un registre, un compte ou auprès d'un système de dépôts centralisés détenu ou situé dans un État membre, « la validité de cet acte est régie par la loi de l’Etat membre sur le territoire duquel ce bien immobilier est situé, ou sous l'autorité duquel ce registre, ce compte ou ce système de dépôts est tenu ». Cette disposition se justifie notamment par « la nécessité de garantir la sécurité juridique pour les parties contractantes et la confiance du public dans les registres ou les systèmes de dépôts concernés[162] ». Enfin, les articles 21 et 22 précisent que le droit réel ou la réserve de propriété d'un tiers sur des biens corporels ou incorporels, meubles ou immeubles appartenant à ou en possession de l'établissement de crédit, ainsi que tous les types de sûretés réelles sont régis exclusivement par la loi applicable à ce droit, sous réserve des dispositions prévues à l’article 10 § 2 point l) relatif aux actions en nullité.
En matière de droit des marchés financiers, l’article 24 prévoit que l’exercice « des droits de propriété sur des instruments ou d'autres droits sur de tels instruments dont l’existence ou le transfert suppose une inscription dans un registre, un compte ou auprès d'un système de dépôt centralisé, détenus ou situés dans un État membre, sont régis par la loi de l’Etat membre dans lequel est détenu ou situé le registre, le compte ou le système de dépôt centralisé dans lequel ces droits sont inscrits ». Cette disposition générale vise à protéger les propriétaires de valeurs mobilières dématérialisées ou non des effets négatifs des mesures d’assainissement et de la procédure de liquidation. Ce renvoi au droit du pays de tenue des comptes ne remet pas en cause les dispositions protectrices contenues dans la LESF. Par exception à ce principe, l’article 25 prévoit que les conventions de compensation et de novation ("contractual netting") entre l'établissement de crédit et sa contrepartie sont régies exclusivement par la loi de l’Etat membre applicable à ces conventions. De même, l’article 26 prévoit que, sous réserve de l’article 24 précité, les conventions de mise en pension ("repurchase agreements") entre l'établissement de crédit et sa contrepartie sont régies exclusivement par la loi de l’Etat membre applicable à ces conventions. Ce choix est justifié par le Conseil par le fait que « la fonction spéciale de ces contrats exige une dérogation au principe de l'application universelle de la loi de l’Etat membre d'origine afin de protéger le fonctionnement des marchés financiers et de garantir la sécurité juridique des parties contractantes[163] ». Enfin, l’article 27 dispose que les transactions effectuées et les procédures applicables dans le cadre d'un marché réglementé sont régies exclusivement par la loi de l’Etat membre applicable au dit marché, sans préjudice de l’article 24.
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b) Le cas de la
compensation hors marché financier
1144. – Admission de la compensation légale – Hors les cas prévus aux articles 24 à 27, l’article 23 admet la compensation légale d’un créancier entre sa créance et celle de l’établissement de crédit « lorsque cette compensation est autorisée par la loi de l’Etat membre applicable à la créance de l'établissement de crédit ». Cette disposition alignée sur l’article 6 du Règlement Insolvabilité constitue une nouvelle exception au principe d’universalité. En effet, la compensation peut être admise, même si elle n’est pas reconnue par la loi de l’Etat membre d’origine de l’établissement de crédit.
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2) Questions relatives à l’information sur les mesures d’assainissement et les procédures de liquidation et aux règles de preuve
1145. – Information et simplification – La reconnaissance d’un droit à l’information (a) entraîne la nécessité de simplifier la preuve de la nomination des personnes en charge des mesures d’assainissement et de liquidation (b). Là encore, ces règles sont « alignées » sur l’article 19 du Règlement Insolvabilité.
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a) Information sur les mesures d’assainissement et les procédures de
liquidation
1146. – Information par inscription dans un registre public – L’article 29-1 de la Dalec énonce que « l'administrateur, le liquidateur ou toute autorité administrative ou judiciaire de l'État membre d'origine peut demander qu'une mesure d'assainissement ou la décision ouvrant une procédure de liquidation soit inscrite au livre foncier, au registre du commerce et dans tout autre registre public tenu dans les autres États membres ». Cette disposition est destinée à tenir compte du rôle important que les registres spécifiques jouent pour assurer la transparence et la sécurité juridique dans de nombreux États membres.
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1147. – Information organisée entre les autorités – L’article 4 de la Dalec prévoit que les autorités administratives ou judiciaires de l'État membre d'origine sont tenues d'informer sans délai, par tous les moyens, les autorités compétentes de l'État membre d'accueil de leur décision d'adopter toute mesure d'assainissement. L’article 9 alinéa 2 prévoit une mesure équivalente en cas de procédure de liquidation.
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1148. – Information des tiers – L’article 6 pour les mesures d’assainissement et l’article 13 pour les procédure de liquidation prévoient que les autorités qui prennent l’initiative d’une mesure ou d’une procédure font publier un extrait de leur décision au Journal Officiel des Communautés Européennes et dans deux journaux à diffusion nationale de chaque État membre d'accueil, en vue notamment de permettre l'exercice des droits de recours en temps utile. Par ailleurs, l’article 7 et l’article 14 prévoient que les créanciers connus doivent être informés. Dans le cadre de la procédure de liquidation l’article 14 prévoit que l’information sera assurée par l'envoi d'une note, portant notamment sur les délais à observer, les sanctions prévues quant à ces délais, l'organe ou l'autorité habilités à recevoir la production des créances ou les observations relatives aux créances et les autres mesures prescrites. Cette note indique également si les créanciers dont la créance est garantie par un privilège ou une sûreté réelle doivent produire leur créance. L’article 17, alinéa 1, prévoit que l'information prévue aux articles 13 et 14 est assurée dans une des langues officielles de l'État membre d'origine.
Toutefois, il est prévu la création d’un formulaire dans toutes les langues officielles de l'Union Européenne pour préciser les droits des créanciers. Par ailleurs, l’article 17, alinéa 2, dispose que tout créancier qui a son domicile, sa résidence habituelle ou son siège statutaire dans un État membre autre que l'État membre d'origine peut produire sa créance, ou présenter ses observations relatives à sa créance, dans une des langues officielles de l’Etat membre.
1149. – Compatibilité du droit à l’information et du
secret professionnel – L’article 33 de la Dalec énonce que « toutes les personnes appelées à
recevoir ou à donner des informations dans le cadre des procédures
d'information ou de consultation prévues aux articles 4, 5, 8, 9, 11 et 19
sont tenues au secret professionnel, selon les règles et conditions prévues par
l'article 30 de la Directive 2000/12/CE, à l'exception des autorités
judiciaires auxquelles s'appliqueraient les dispositions nationales en
vigueur ».
Cette disposition ne s’applique pas aux informations transmises aux créanciers ou aux tiers, mais simplement aux échanges d’informations entre les différentes autorités administratives ou judiciaires en charge des mesures d’assainissement ou de la procédure de liquidation.
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b) Simplification
de certaines règles de preuve
1150. – Preuve de la nomination des liquidateurs – L’article 28 prévoit que la nomination de l'administrateur ou du liquidateur est établie par la présentation d'une copie, certifiée conforme à l'original, de la décision qui le nomme ou par toute autre attestation établie par l'autorité administrative ou judiciaire de l'État membre d'origine. Le texte ajoute in fine qu’aucune légalisation ou autre formalité analogue n’est requise. La procédure d’apostille et, a fortiori, celle d’exequatur, n’est plus nécessaire pour établir la qualité d’un administrateur ou d’un liquidateur. Cette disposition se justifie par la nécessité d’aller vite compte tenu de la nature, le plus souvent, immatérielle des droits en cause. Par ailleurs, cette disposition est destinée à éviter « tout doute à ce sujet[164] » afin de permettre aux mandataires désignés d’être pleinement et immédiatement opérationnels sur l’ensemble du territoire de l’Union. A cet égard, la Dalec contient de précieuses indications sur les pouvoirs des administrateurs et liquidateurs.
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3) Pouvoirs des administrateurs et liquidateurs
1151. – Pouvoirs sur l’ensemble du territoire de l’Union – L’article 28, alinéa 2, dispose que « les administrateurs et les liquidateurs sont habilités à exercer sur le territoire de tous les États membres tous les pouvoirs qu'ils sont habilités à exercer sur le territoire de l'État membre d'origine ». Il s’agit d’une illustration des plus flagrantes du principe de l’universalité de la procédure. Cette disposition est similaire à celle prévue par l’article 19 du Règlement Insolvabilité.
L’alinéa 3 de l’article 28 précise que « dans l'exercice de ses pouvoirs, l'administrateur ou le liquidateur respecte la Loi des États membres sur le territoire desquels il veut agir, en particulier quant aux modalités de réalisation des biens et quant à l'information des travailleurs salariés. Ces pouvoirs ne peuvent pas inclure le recours à la force ou le droit de statuer sur un litige ou un différend ». Ici, nous assistons à une résurgence du principe de territorialité en raison de l’absence d’harmonisation au niveau européen (pour le moment ?) du droit des procédures d’exécution.
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1152. – Possibilité de déléguer les pouvoirs – Dans un souci de pragmatisme, la Dalec prévoit que le mandataire principal peut désigner des personnes chargées de l’assister ou de le représenter dans le déroulement des mesures d’assainissement ou de la procédure de liquidation dans le pays de l’Etat membre d’accueil. Cette disposition vise notamment à régler les relations avec les créanciers qui pourront ainsi obtenir, dans leur langue, des informations utiles.
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4) Nouvelles dérogations au droit commun de la
procédure collective
1153. – Protection du tiers de bonne foi – Comme dans les relations internationales, il est parfois difficile de connaître avec certitude le droit applicable, la Dalec a prévu de déroger d’une part, au principe d’universalité des mesures ou de la procédure qu’elle érige ainsi que, le cas échéant, au droit de la procédure collective. Pour cela, elle introduit deux nouvelles exceptions au droit commun de la procédure collective, ce qui nous permet de réitérer l’idée selon laquelle il existe un droit particulier de la procédure collective d’un établissement de crédit. Au surplus, l’adoption de la Dalec en est l’illustration la plus flagrante. Ces nouvelles dérogations portent sur les nullités de la période suspecte (a) et sur la suspension des instances en cours (b).
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a) Dérogations
au principe des nullités de la période suspecte
1154. – Conditions restrictives et cumulatives – Il peut être fait échec aux règles relatives à la nullité, l’annulation ou l’inopposabilité des actes préjudiciables à l’ensemble des créanciers, « lorsque celui qui bénéficie de ces actes apporte la preuve que : (i) l'acte préjudiciable à l'ensemble des créanciers est soumis à la loi d'un État membre autre que l'État membre d'origine, et (ii) cette loi ne prévoit, en l'espèce, aucun moyen, d'attaquer cet acte » (article 30). Cette disposition est applicable pour les actes réalisés avant comme après l’adoption de mesures d’assainissement ou de liquidation.
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b) Dérogations
au principe de la suspension des instances en cours
1155. – Limitation aux instances en cours – L’article 32 dispose que « les effets de mesures d'assainissement ou d'une procédure de liquidation sur une instance en cours concernant un bien ou un droit dont l'établissement de crédit est dessaisi sont régis exclusivement par la loi de l’Etat membre dans lequel cette instance est en cours ». Ce texte est aligné sur l’article 15 du Règlement Insolvabilité. Ainsi, si un établissement de crédit français en redressement ou liquidation judiciaire faisait l’objet d’une procédure dans un autre Etat membre ignorant le principe de la suspension des poursuites, l’administrateur ou le liquidateur judiciaire français ne pourrait pas opposer l’article 47 de la Loi du 25 janvier 1985 dans le cadre de la procédure pendante dans l’autre Etat membre.
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1156. – Exclusion des voies d’exécution ? – Il convient de souligner que l’article 25 vise expressément les procédures en cours à l’exception des mesures d’exécution. Une interprétation stricte s’imposant, il ne nous semble pas possible d’étendre aux voies d’exécution les dispositions dérogatoires de l’article 25 de la Dalec.
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C. Mesures
d’assainissement
1157. – Maintien du contrôle des autorités de tutelle sur les mesures d’assainissement – La position commune relève que « l'article 3 est l'article central de la Directive pour ce qui est des mesures d'assainissement ». Cet article établit le principe de l'application universelle des mesures arrêtées par l'État membre d'origine. Ainsi, « afin de ne pas affaiblir le principe de la surveillance par les autorités de l'État membre d'origine, le Conseil a supprimé le paragraphe 3, qui laissait subsister le risque de voir un État membre d'accueil appliquer des mesures d'assainissement uniquement à une succursale ». Deux questions principales retiendront notre attention, d’une part, les conditions d’adoption des mesures d’assainissement (1) et d’autre part, les conséquences de ces mesures (2). Dans chacune de ces deux questions, il conviendra de distinguer deux hypothèses : d’une part, le cas des établissements de crédit ayant leur siège statutaire à l'intérieur de la Communauté (a) et d’autre part, le cas des établissements de crédit ayant leur siège statutaire hors de la Communauté (b).
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1158. – Précisions terminologiques – Le choix des termes « mesures d’assainissement » au lieu de « procédures d’assainissement » démontre l’étendue et la profusion des solutions qui sont principalement non judiciaires. Ainsi, dans la plupart des cas les mesures d’assainissement émanent des autorités administratives compétentes dans chaque Etat membre pour contrôler les établissements de crédit. A ce titre aussi, on peut trouver dans la Dalec la confirmation du caractère fortement administratif du traitement des difficultés et de la défaillance d’un établissement de crédit.
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1) Conditions
d’adoption des mesures d’assainissement
a) Etablissements de crédit ayant leur siège statutaire à l'intérieur
de la Communauté
1159. – Absence de définition harmonisée – Comme il ne s’agit pas d’une « procédure d’assainissement », la Dalec n’a pas prévu de définition harmonisée des conditions d’ouverture. Il n’est donc pas défini, au plan européen, un état de cessation des paiements ou les conditions légales pour constater l’insolvabilité de l’établissement de crédit. L’article 3, alinéa 2, renvoie, sous réserve que la Dalec n’en dispose pas autrement, aux lois, règlements et procédures applicables dans l’Etat membre d’origine. On peut regretter cette absence de définition car elle pourrait générer des appréciations différentes suivant les Etats, sauf à considérer que la coopération entre les autorités compétentes remédiera à cette situation. Or, cette liberté d’appréciation nous semble contraire à la recherche de la plus grande sécurité juridique affirmée par la Dalec et peut engendrer des distorsions de concurrence entre des établissements devant faire l’objet d’une mesure d’assainissement. En effet, plus une autorité de contrôle attendra pour réagir parce qu’elle estime que l’établissement n’est pas « insolvable » même s’il est déjà en état de cessation des paiements[165], plus les conséquences négatives de cette défaillance seront importantes.
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1160. – Compétence exclusive des autorités administratives ou judiciaires de l’Etat membre d’origine – L’article 3, alinéa 1, énonce clairement que « les autorités administratives ou judiciaires de l'État membre d'origine sont seules compétentes pour décider la mise en œuvre dans un établissement de crédit, y compris pour les succursales établies dans d'autres États membres, d'une ou plusieurs mesures d'assainissement ».
Corollaire du principe de la surveillance consolidée, le caractère exclusif de la compétence des autorités de l’Etat membre d’origine n’empêche pas de prévoir des mesures différentes et adaptées à chaque cas particulier pour une filiale ou une succursale dans un Etat d’accueil. Le pragmatisme de cette disposition est renforcé par la volonté maintes fois affirmée de promouvoir la coopération entre les différentes autorités de contrôle et de surveillance.
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1161. – Application territoriale et dans le temps – Dans un souci d’efficacité, l’article 3, alinéa 2, in fine précise que les mesures d'assainissement produisent leurs effets dans toute la Communauté dès qu'elles produisent leurs effets dans l'État membre où elles ont été prises. C’est la loi applicable à l’Etat membre d’origine qui détermine les conditions d’application dans le temps. Les mesures d’assainissement présentent un effet erga omnes (même à l’égard des tiers, précise la Dalec) « même si les réglementations de l'État membre d'accueil qui leur sont applicables ne prévoient pas de telles mesures ou soumettent leur mise en œuvre à des conditions qui ne sont pas remplies ». Ainsi, il n’est plus besoin d’exequatur.
b) Etablissements de crédit ayant leur siège statutaire hors de la Communauté
1162. – Organisation de la transmission d’informations – L’article 8, alinéa 1, impose aux autorités administratives ou judiciaires de l’Etat membre d’accueil d’une succursale d’un établissement de crédit ayant son siège statutaire hors de la Communauté, d'informer, sans délai, et par tous les moyens, les autorités compétentes des autres États membres d'accueil où l'établissement a créé des succursales, de leur décision d'adopter toute mesure d'assainissement, y compris des effets concrets que pourrait avoir cette mesure, si possible avant son adoption ou, sinon, immédiatement après.
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1163. – Volonté de coordonner les actions – L’article 8 alinéa 2 pose le principe que les autorités administratives ou judiciaires s'efforcent de coordonner leurs actions. Toutefois, la position commune relève qu’un « administrateur n'étant pas toujours nommé, l'article 8 n'impose pas aux administrateurs de coordonner leurs actions, contrairement à ce qui se passe pour les liquidateurs lors de procédures de liquidation[166] ».
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2) Conséquences des mesures
d’assainissement
a) Etablissements de crédit ayant leur siège statutaire à l'intérieur
de la Communauté
1164. – Etendue des mesures d’assainissement – La définition des mesures d’assainissement contenue dans l’article 2 de la Dalec donne une idée de l’hétérogénéité des mesures visées. En effet, ces mesures « sont destinées à préserver ou rétablir la situation financière d'un établissement de crédit et qui sont susceptibles d'affecter les droits préexistants de tiers, y compris les mesures qui comportent la possibilité d'une suspension des paiements, d'une suspension des mesures d'exécution ou d'une réduction des créances ».
A cet égard, l’intervention du Fonds de Garantie des Dépôts à titre préventif s’intègre dans cette définition, de même que l’appel aux actionnaires ou la désignation d’un administrateur bancaire, voire même la procédure de redressement judiciaire si tant est que l’agrément de l’établissement de crédit n’ait pas été retiré.
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1165. – Renvoi aux dispositions communes – Par ailleurs, les articles 4 et 5 précisent les différentes informations que les autorités de l’Etat membre d’accueil et celles de l’Etat membre d’origine doivent se fournir. L’article 6 précise la forme et le contenu des publications nécessaires pour porter à la connaissance des tiers la mise en place de telles mesures.
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1166. – Droit de produire des créances – L’article 7 alinéa 1 de la Dalec prévoit que lorsque existe une exigence de production de créance en vue de sa reconnaissance, les autorités administratives ou judiciaires de l'État membre d'origine ou l'administrateur, informent également les créanciers connus qui ont leur domicile, leur résidence habituelle ou leur siège statutaire dans les autres États membres. Au nom du principe de l’égalité qui se trouve réaffirmé par la Directive, l’article 7, alinéa 2, étend à tous les créanciers situés dans la communauté le droit reconnu aux créanciers situés dans son ressort par la législation de l’Etat membre d’origine « de produire leurs créances ou de présenter les observations relatives à leurs créances ».
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b) Etablissements de crédit ayant leur siège statutaire hors de la Communauté
1167. – Aucune disposition spécifique – Dans le silence de la Directive sur les conséquences des mesures d’assainissement relatives à un établissement de crédit ayant son siège statutaire hors de la Communauté, chaque Etat membre retrouve sa liberté d’action.
D. Procédure
de liquidation
1168. – Rappel de la définition – L’article 2 de la
Dalec définit les procédures de liquidation comme les « procédures collectives ouvertes et contrôlées par les autorités
administratives ou judiciaires d'un État membre dans le but de la réalisation
des biens sous la surveillance de ces autorités, y compris lorsque cette
procédure est clôturée par un concordat ou une autre mesure analogue ».
Alors que l’annexe II de la proposition de Directive de la Commission (1985) faisait expressément et uniquement référence au titre III de la Loi du 25 janvier 1985 relatif à la liquidation judiciaire, la définition adoptée par la Dalec pourrait intégrer la procédure de redressement judiciaire[167] en plus du maintien de la liquidation judiciaire.
Le premier argument en faveur de cette analyse réside dans l’emploi du pluriel, « les procédures collectives ».
Le second est la référence expresse au « concordat » qui constitue l’ancêtre du redressement dans le cadre de la faillite. Pourtant, encore une fois, la marge de manœuvre est étroite. En effet, il convient de tenir compte du 14e considérant qui dispose que « en l'absence ou en cas d'échec des mesures d'assainissement, les établissements de crédit en crise doivent être liquidés. Il convient, dans ce cas, de prévoir des dispositions visant à la reconnaissance mutuelle des procédures de liquidation et de leurs effets dans la Communauté ».
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1) Cas d’ouverture
a) Etablissements de crédit ayant leur siège statutaire à l'intérieur de la Communauté
1169. – Absence de définition mais caractère subsidiaire – Tout comme pour les mesures d’assainissement, la Dalec ne définit pas les conditions d’ouverture d’une procédure de liquidation. Elle laisse ce soin au droit applicable à l’Etat membre d’origine. En effet, l’article 9, alinéa 1, dispose que « les autorités administratives ou judiciaires de l'État membre d'origine responsables de la liquidation sont seules habilitées à décider de l'ouverture d'une procédure de liquidation à l'égard d'un établissement de crédit, y compris pour les succursales établies dans d'autres États membres ».
En droit français, ce sont les conditions déterminées par la LESF qui s’appliquent. Toutefois, l’article 12 alinéa 1 souligne le caractère subsidiaire de la procédure de liquidation « décidée à l'encontre d'un établissement de crédit en l'absence ou après l'échec de mesures d'assainissement ».
1170. – Liquidation volontaire – La Dalec reconnaît la possibilité d’une liquidation volontaire à condition que l'établissement de crédit soit solvable (18e considérant). Pour cela, l’article 11 fixe le principe d’une consultation préalable des autorités de l’Etat membre du pays d’origine par les organes de direction de l’établissement de crédit. L’article 11, alinéa 2, prend le soin de préciser que la liquidation volontaire d'un établissement de crédit « ne fait pas obstacle à l'adoption d'une mesure d'assainissement ou à l'ouverture d'une procédure de liquidation ».
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b) Etablissements de crédit ayant leur siège statutaire hors de la
Communauté
1171. – Absence de réactions en chaîne – La position commune relève que « puisque les succursales des établissements de crédit des pays tiers ne sont pas régies par la législation communautaire, le Conseil a décidé de limiter l'article 19 aux obligations d'information et de coordination ». Ainsi, n’existe-t-il pas d’extension automatique de la procédure de liquidation d’une succursale d’un établissement de crédit situé hors de la Communauté d’un pays de la zone A[168] à la succursale du même établissement située dans un pays de la zone B.
Toutefois, l’article 19 organise la transmission d’informations entre les différentes autorités concernées si possible avant l'ouverture de la procédure de liquidation ou, sinon, immédiatement après, afin de rendre pleinement efficaces les mesures prises. Ainsi, dans le dossier BCCI, les autorités françaises, anglaises, luxembourgeoises auraient pu se concerter pour prendre ensemble et en même temps la décision d’ouvrir une procédure de liquidation pour les différentes succursales de cet établissement de crédit basé aux Îles Caymans[169].
1172. – Principe de coordination des actions étendu aux liquidateurs – L’article 19 de la Dalec étend le vœu de voir les autorités administratives ou judiciaires s’efforcer de coordonner leurs actions aux liquidateurs éventuels.
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2) Conséquences de la liquidation
a) Etablissements de crédit ayant leur siège statutaire à l'intérieur
de la Communauté
1173. – Renvoi aux dispositions communes – En ce qui concerne la publicité de l’ouverture de la procédure de liquidation et du droit de produire des créances, il convient de se reporter aux développements relatifs à ces sujets, étudiés dans le cadre des dispositions communes.
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1174. – Sort de l’agrément – Contrairement à l’article 19-1 de la Loi bancaire (devenu l’article L. 511-17 Comofi) qui prévoit que la radiation de l’établissement de crédit entraîne de plein droit sa liquidation judiciaire, l’article 12 alinéa 1er de la Dalec inverse le raisonnement. En effet, d’une part, l’alinéa 1er prévoit que c’est la liquidation qui entraîne le retrait et d’autre part, l’alinéa 2 précise que le retrait d’agrément « n'empêche pas la ou les personnes chargées de la liquidation de poursuivre certaines des activités de l'établissement de crédit dans la mesure où cela est nécessaire ou approprié pour les besoins de la liquidation ». Est-ce à dire que l’on revient à la situation antérieure à l’arrêt Majorel et à la loi DDOEF du 4 août 1994 ? On se souvient qu’avant 1994, la jurisprudence admettait la distinction entre activité bancaire et personnalité morale, ce qui permettait de liquider de la première sans que cela n’affecte la seconde.
Toutefois, le texte de la Dalec ne fait pas référence à la notion de personnalité morale mais à la « poursuite d’activité » nécessaire dans le cadre de la liquidation, il s’agit donc d’un maintien de l’activité dans le cadre d’une liquidation. Le droit français connaît une disposition équivalente (article 153 de la loi du 25 janvier 1985, devenu l’article L. 622-10 du Code de Commerce) mais la durée du maintien est plafonnée à trois mois. Devant la généralité de la Dalec et l’absence de limitation, il semble que, par dérogation expresse à l’article L. 622-10 du Code de Commerce, il soit possible de prétendre que le maintien de l’activité d’un établissement de crédit en liquidation peut être supérieur à ces trois mois. Cela constitue une nouvelle illustration du caractère exorbitant du droit des procédures collectives d’un établissement de crédit.
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1175. – Détermination de la loi applicable – Œuvre de compromis, tout en affirmant le principe d’universalité, l’article 10 de la Dalec détaille les différentes solutions trouvées au niveau communautaire pour éviter les conflits de loi en favorisant, sauf dispositions contraires de la Directive, la loi de l’Etat membre d’origine notamment à l’égard :
– des biens qui font l'objet du dessaisissement et le sort des biens acquis par l'établissement de crédit après l'ouverture de la procédure de liquidation ;
– des pouvoirs respectifs de l'établissement de crédit et du liquidateur ;
– des conditions d'opposabilité d'une compensation ;
– des effets de la procédure de liquidation sur les contrats en cours auxquels l'établissement de crédit est partie ;
– des effets de la procédure de liquidation sur les poursuites individuelles à l'exception des instances en cours, comme le prévoit l'article 25 ;
– des créances à produire au passif de l'établissement de crédit et le sort des créances nées après l'ouverture de la procédure de liquidation ;
– des règles concernant la production, la vérification et l'admission des créances ;
– des règles de distribution du produit de la réalisation des biens, le rang des créances et les droits des créanciers qui ont été partiellement désintéressés après l'ouverture de la procédure de liquidation, en vertu d'un droit réel ou par l'effet d'une compensation ;
– des conditions et des effets de la clôture de la procédure de liquidation, notamment par concordat ;
– des droits des créanciers après la clôture de la procédure de liquidation ;
– de la charge des frais et des dépenses de la procédure de liquidation;
– des règles relatives à la nullité, à l'annulation ou à l'inopposabilité des actes préjudiciables à l'ensemble des créanciers.
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b) Etablissements de crédit ayant leur siège statutaire hors de la Communauté
1176. – Absence de renvoi et simple volonté de coordonner les actions – Comme pour les mesures d’assainissement, la Dalec ne précise pas les conséquences de la procédure de liquidation d’un établissement de crédit ayant son siège statutaire hors de la Communauté. L’article 19 se contente d’organiser la transmission de l’information entre les autorités, notamment sur les « effets concrets que pourrait avoir cette procédure » et fixe comme objectif la nécessaire coopération entre les différents intervenants dans les différents Etats d’accueil.
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Pour
en savoir plus…
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Règlement
Insolvabilité
Idot, « Le nouveau droit communautaire des procédures collectives », JCP (E) 2000, n° 42, p. 1648 et s.
Chaput, « L’entrée en vigueur d’un droit communautaire de la faillite », Dr. soc. 2000, n° 11, commentaire n° 22, p. 4 et s.
Idot et Saint-Alary-Houin, « Droits internes – Droit international », Jurisclasseur Procédures collectives, fasc. 870.
·
Dalec
(Directive concernant l’assainissement et la liquidation des établissements de
crédit)
Idot, « Chroniques de jurisprudence, marché intérieur, services financiers, procédures collectives », Europe, 2001, n° 6, p. 11.
·
Dalea
(Directive concernant l’assainissement et la liquidation des entreprises
d’assurance)
Bonneau, « Assainissement et liquidation des établissements de crédit et des entreprises d’assurance, des relations du droit commun et du droit spécial », Rev. proc. coll., juillet 2001, p. 129 et s.
[1]. Davanne,
op. cit., p. 39.
[2]. Saint-Alary-Houin,
Droit des entreprises en difficultés, Précis
Montchrestien, 1999, nos 1 à 3.
[3]. Jurisclasseur Procédures collectives, Fasc.
870, Droits internes – Droit international,
Idot et Saint-Alary-Houin.
[4]. CJCE
22 février 1979, Aff. 133/78, Gaz. Pal.,
1979, I, p. 207, note R. Georges-Etienne.
[5]. En
effet, le sauvetage de l'entreprise est un souci nécessairement national. Au
contraire, les créances et les dettes sont transnationales, de sorte que le
droit international est plutôt appelé à envisager la faillite sous l'angle de
la protection des créanciers, donc dans une logique essentiellement
liquidative.
[6]. Mayer,
Droit international privé, 4e,
Ed. Montchrestien, p. 11.
[7]. Tingry,
La faillite internationale (1re
partie), Petites Affiches, 12
août 1992, p. 24.
[8]. Tingry, op. cit.,
p. 24.
[9]. Béguin, « Un ilôt de résistance à
l'internationalisation : le droit international des procédures
collectives », Mélanges en l'honneur
de Yvon Loussouarn, p. 31.
[10]. Didier,
« La problématique du droit de la faillite internationale », RD aff. int., n° 3, 1989, p 203.
[11]. Soinne,
Traité des Procédures collective, 2e
éd. 1995, p. 191.
[12]. Didier, op. cit.,
p. 203.
[13]. En
effet, il est nécessaire de désigner préalablement le Tribunal compétent pour
ouvrir la procédure avant d'envisager par la suite de traiter les problèmes
issus de l'ouverture de la faillite internationale. Dans ces conditions, le
Tribunal désigné appliquera ses propres règles de conflit de lois pour
déterminer la loi applicable. Le rattachement universel en la matière est la
loi du for, c'est-à-dire la propre
Loi du juge saisi.
[14]. Poillot-Peruzzetto,
« Le créancier et la faillite européenne : commentaire de la
convention des communautés relative aux procédures d'insolvabilité », in La situation des créanciers d'une entreprise
en difficulté, Ed. Montchrestien, p. 139. La convention a consacré
l'existence d'une faillite principale et de faillites secondaires, et a
organisé une coordination entre elles, englobant les procédures secondaires
dans un règlement d'ensemble.
[15]. L'article
1er de la Convention de Bruxelles énonce : « La présente convention ne s'applique pas aux
procédures d'insolvabilité qui concernent les entreprises d'assurance et les
établissements de crédit, les entreprises d'investissements qui fournissent des
services impliquant la détention de fonds ou de valeurs mobilières de tiers,
ainsi qu'aux organismes de placement collectif. »
[16]. JOCE L/161, 2000, 30 juin 2000. Chaput,
« L’entrée en vigueur d’un droit communautaire de la faillite », Dr. soc., 2000, n° 11, commentaire
n° 22, p. 4 et s. ; Laporte, « Procédures spécificiques,
faillites internationales »,
Procédures, 2001, n° 12, p. 15 ; Idot, « Le nouveau
droit communautaire des procédures collectives », JCP (E) 2000, n° 42, p. 1648 et s.
[17]. JOCE L/125, 5 mai 2001, p. 15 et
s. ; Bonneau, « Assainissement et liquidation des établissements de
crédit et des entreprises d’assurance, des relations du droit commun et du
droit spécial », Rev. proc. coll., juillet
2001, p. 129 et s. ; Idot, « Chroniques de jurisprudence,
marché intérieur, services financiers, procédures collectives », Europe, 2001, n° 6, p. 11.
[18]. La
Convention franco-suisse, datant du 15 juin 1869, a été abrogée par les deux
pays le 1er janvier 1992.
[19]. La
CNUDCI a été créée en 1966 par l'Assemblée Générale des Nations Unies avec pour
mission d'aplanir les disparités entre les législations nationales relatives au
commerce international. Elle comprend à ce jour 36 Etats membres.
[20]. Vallens,
« La faillite internationale : vers une loi-modèle ? », Petites Affiches, 14 juin 1996,
p. 21 ; Vallens, La loi type de la
CNUDCI sur l'insolvabilité internationale, D. 1998, chron. p. 157.
[21]. Cf.
numéro spécial des Petites Affiches
du 4 décembre 1995, n° 145.
[22]. Remery,
La faillite internationale, Que
sais-je ?, 1996, 22 ; Martin-Serf, « La faillite internationale, une
réalité économique pressante, un enchevêtrement juridique croissant », JDI 1995, 1, 32 ; V. Tingry, op. cit., p. 25 ; Jurisclasseur Procédures collectives,
fasc. 870, préc. p. 3 ; Soinne, op. cit.,
p. 191.
[23]. En
droit interne, c'est l'article 2092 du Code Civil qui pose le principe selon
lequel le patrimoine du débiteur est le gage commun de tous ses créanciers.
[24]. Rappelons
ici, à l'instar de M. Lemontey, une phrase de Jitta légitimant la
territorialité : « Il n'est pas
possible d'avoir confiance dans tous les états étrangers et d'admettre qu'une
déclaration de faillite, faite par un juge quelconque, fût-il nègre, ocre-jaune
ou peau-rouge, donnera à l'administrateur de la faillite le droit de s'emparer
des biens du failli qui se trouvent chez nous, et surtout d'admettre que cette
faillite empêchera les créanciers, établis dans notre pays, de se payer sur ces
biens et les obligera de se faire vérifier au diable, sans que l'on sache même
si le diable les vérifiera. »
[25]. Il
s'agit en l'espèce des créanciers dits locaux. Chaque pays où est ouverte une
procédure entend en priorité désintéresser les créanciers nationaux, par
préférence aux créanciers étrangers.
[26]. Remery,
« La jurisprudence française en matière de faillite internationale »,
Droit International Privé, Année
1992-1993, p. 227.
[27]. Pericard,
« La faillite de la BCCI, quelques enseignements tirés des conflits
judiciaires issus d'une faillite bancaire internationale », Banque & Droit, hors série, avril
1996.
[28]. Civ.
1re, 19 octobre 1959, D. 1960, 37, note Holleaux ; RCDIP, 1960, p. 215, note
Y.L ; Civ. 1re, 23 février 1960, RCDIP, p. 842 ; Civ. 1re, 30 octobre 1962, D. 1963, 109, note Holleaux ; Civ.
1re, 13 janvier 1981, Bull.
Civ. I,
n° 11 ; Rev. crit. DIP, 1981, 331, note
Gaudemet-Tallon ; Paris, 8 juillet 1992, Revue de jurisprudence commerciale, 1993, p. 7, note Vallens.
[29]. A
comparer avec l'article 1er du Décret n° 67-1120 sur le
règlement judiciaire et la liquidation de biens, qui disposait : « Le tribunal territorialement compétent pour
connaître du règlement judiciaire ou de la liquidation des biens est celui dans
le ressort duquel le débiteur a son principal établissement ou, s'il s'agit
d'une personne morale, son siège, ou, à défaut de siège en territoire français,
son principal établissement. »
[30]. En
droit anglais : Insolvency Act, 1986, art. 117 et 265 ; cf.
Elland-Goldsmith, « La faillite : le droit international privé
anglais », RD aff. int., 1989,
p. 207 ; en droit allemand : § 70 KO ; cf. Ihle, « Les
procédures collectives en République fédérale d'Allemagne », RD aff. int., 1989, p. 267 ;
en droits belge et luxembourgeois : art. 440 C. com. Cité par A.
Martin-Serf, La faillite internationale,
une réalité économique pressante, un enchevêtrement juridique croissant,
p. 37.
[31]. Req.
18 et 26 avril 1932, Gaz. Pal., 1932,
2, p. 145 ; Req. 11 avril 1927, Gaz.
Pal., 1927, 2, p. 79.
[32]. Article
1er (devenu l’article L. 511-1 COMOFI) : « Les établissements de crédit sont des personnes morales qui effectuent à titre de profession
habituelle des opérations de banque. »
[33]. Loussouarn
et Bourel, Droit International Privé,
3e éd., p. 966 et s.
[34]. Req.
26 avril 1932, préc.
[35]. Civ. 1re, 21 juillet 1987, Bull. Civ. I, n° 242. La
Cour de Cassation prend également le soin d'affirmer le caractère d'ordre
public de cette règle de compétence.
[36]. Com.
13 décembre 1983, Bull. Civ. IV,
n° 350. Rendu dans le cadre de la Convention franco-monégasque du 13
septembre 1950, cette décision est cependant d'application générale.
[37]. Paris,
7 mars 1878, S 1879, 2, 164, note Dubois. V. également Req. 1er août
1906, D 1906, p. 400.
[38]. CJCE,
22 novembre 1978, Aff. 33/78, JDI
1979, p. 672. Dans le cadre de la Convention de Bruxelles du 27 septembre
1968, la CJCE décide de donner à cette notion, dans « le souci d'assurer la sécurité juridique ainsi que l'égalité des droits
et obligations des parties », une
définition autonome et communautaire : « La notion de succursale,
d'agence ou de tout autre établissement implique un centre d'opérations qui se
manifeste de façon durable vers l'extérieur comme le prolongement d'une maison
mère, pourvu d'une direction et matériellement équipé de façon à pouvoir
négocier des affaires avec des tiers, de telle façon que ceux-ci, tout en
sachant qu'un lien de droit éventuel s'établira avec la maison mère dont le
siège social est à l'étranger, sont dispensés de s'adresser directement à
celle-ci, et peuvent conclure des affaires au centre d'opérations qui en constitue
le prolongement. »
[39]. CA
Paris, 15 juin 1994, JDI, 4. 1994,
p. 1011 et s., note Jacquemont ; sans parler de la définition de la
succursale bancaire découlant de l'article 1er, point 3, de la
Directive 2000/12/CE : succursale signifie « un siège d’exploitation qui constitue une partie dépourvue de
personnalité juridique d’un établissement de crédit et qui effectue
directement, en tout ou en partie, les opérations inhérentes à l’activité
d’établissement de crédit ; plusieurs sièges d’exploitation créés dans le
même Etat membre par un établissement de crédit ayant son siège social dans un
autre Etat membre sont considérés comme une seule succursale ».
[40]. Req.
5 juillet 1897, préc.
[41]. Trib.
com. Seine, 18 août 1875, JDI 1876,
455 ; Trib. com. Lyon, 19 juillet 1907, JDI, 1908, 150 ; Rev.
DIP, 1914, 455 ; Trib. com. Seine, 18 novembre 1927, Rev. DIP, 1929, 144.
[42]. Req.
14 avril 1934, JDI 1935, p. 894.
Dans cet arrêt, la compétence se justifie sur le fait que la société « a en dépôt... des sommes destinées à
approvisionner le compte de ses obligataires » mais aussi sur le
fondement de l'article 14 du Code Civil.
[43]. Trib.
com Amiens, 8 mai 1888, JDI 1891,
917 ; Paris, 19 juin 1891, JDI
1891, 1198 ; Colmar-Metz, 10 mai 1932, JDI
1934, 98.
[44]. Civ.
2e, 12 juillet 1962, Bull.
Civ. II, n° 584 ; JDI 1963,
1056, note Sialelli.
[45]. Com. 19 mars 1979, Bull. Civ. IV, n° 104 ; Rev. crit. DIP
1981, 524, note Lagarde ; Rev. Sociétés
1979, p. 567, note Guyon. En l'espèce, comme d'ailleurs dans la décision
du 12 juillet 1962, la Cour de Cassation prend cependant le soin de viser
l'article 14 du Code Civil et la nationalité française du créancier. Néanmoins,
cette précaution ne disqualifie pas pour autant le sens desdites décisions.
[46]. Com.
19 janvier 1988, Bull. Civ. IV,
n° 47 ; Rev. crit. DIP
1990, 527 ; JCP 1988, Ed. E, II,
15209, note Cabrillac et Vivant. V. également : Delierneux, « Les
succursales face à la faillite », in Les
succursales bancaires, p. 213 ; Dusseaux, « La faillite des
succursales », Mélanges Jean Depardon,
1996, p. 275. V. également les arrêts relatifs à la faillite de la
BCCI.
[47]. Note
Vallens, sous CA Paris, 8 juillet 1992, préc., p. 15.
[48]. Mayer, op. cit.,
p. 201.
[49]. Tingry, op. cit.
p. 26.
[50]. En
effet, les articles ne visent expressément que « les obligations contractées », ce qui laisserait à penser qu'ils ne concernent que les
obligations contractuelles.
[51]. Civ.
27 mai 1970, Rev. crit. DIP, 1971,
113, note Batiffol ; Civ. 2e, 7 juin 1962, Bull. Civ. II, n° 506 ; Clunet, 1963, 106, note Lehmann ;
Gaz. Pal., 1962, 2, 253 ; Civ. 1re,
17 novembre 1981, Bull. Civ. I,
n° 341.
[52]. Civ.
11 mars 1913, S. 1914, 1, 185, note Pic.
[53]. Com.
19 mars 1979, préc.
[54]. Civ.
2e, 12 juillet 1962, préc. V. également CA Paris, 17 juillet 1877, JDI 1878, 271 ; CA Paris, 29 avril
1931, Rev. DIP 1933, 498.
[55]. CA
Paris, 24 octobre 1997, Juris-Data n° 022909.
[56]. Civ.
2e, 7 juin 1962, préc. V. dans le même sens : Paris, 10
novembre 1960, Clunet 1961, 486, note Ponsard.
[57]. V.
par exemple Martin-Serf, op. cit.,
p. 45. Elle considère que l'utilisation de ces articles « n'est
qu'un simulacre, puisqu'il n'existe pas en France d'entreprise sur laquelle le
juge peut formuler un diagnostic. La raison d'être de la procédure collective
disparaît, et la prétendue procédure collective ainsi ouverte ressemble
étrangement à une série de voies d'exécutions individuelles ». En fin
de compte, « le paiement redevient le prix de la course ».
[58]. Remery, op. cit., p. 75.
[59]. A
ce titre, on peut citer en premier lieu la loi du lieu de situation des biens, lex rei sitae. Mais vont également
intervenir la loi du contrat, lex
obligationis, ou la loi de situation d'une société, lex societatis. C'est surtout dans le cadre de la détermination des
effets de la faillite que les interférences de ces lois avec la loi du for vont
se poser, et susciter les plus grosses difficultés.
[60]. Son
article 1er dispose : « La présente convention s'applique aux procédures collectives fondées
sur l'insolvabilité du débiteur, qui entraînent le dessaisissement partiel ou
total de ce débiteur ainsi que la désignation d'un syndic. »
[61]. Civ.
1re, 20 mai 1967, Bull. Civ.
I, n° 172.
[62]. L'article
6 du Décret de 1985, qui exige que la déclaration de cessation des paiements ou
d'inexécution des engagements d'un règlement amiable soit déposée au greffe du
Tribunal compétent, c'est-à-dire à celui du siège de l'entreprise débitrice,
peut être interprété comme excluant la compétence de la loi du for pour
recevoir le dépôt de bilan d'une société étrangère ayant par hypothèse son
siège social à l'étranger.
[63]. Com.
19 janvier 1988, Arrêt BCT Computer, Bull. Civ. IV, n° 47. Dans cette
affaire, le syndic de la société allemande qui faisait déjà l'objet d'une
procédure de concours en Allemagne s'opposait à la décision du responsable de
sa succursale située à Choisy-le-Roi de déclarer la cessation des paiement de
cette dernière en France.
[64]. CA
Paris, 8 juillet 1992, préc.
[65]. Civ.
1re, 5 février 1991, Bull.
Civ. I, n° 44.
[66]. Com. 29 octobre 1973, Bull. Civ. IV,
n° 297. La Cour rappelle que « la
liquidation des biens, dont une société ayant son siège à l'étranger, a fait
l'objet en France, entraîne pour elle dessaisissement de l'administration de
ses biens situés dans ce pays, et seul le syndic a qualité pour exercer en
France les droits et actions de la société ».
[67]. TGI
de Strasbourg, 7 février 1983, Rev. Soc.
1984, note Bismuth. Le tribunal affirme « qu'un dirigeant de nationalité allemande peut être poursuivi en
faillite personnelle, car l'article 104 de la loi du 13 juillet 1967 est une
loi de police à laquelle sont soumis les étrangers en vertu de l'article 3 du
Code Civil ».
[68]. Civ.
1re, 5 février 1991, préc. ; Civ. 1re, 8 mars 1988, Bull. Civ. I, n° 65 ; Civ. 1re,
8 et 15 mars 1988, D 1989, 577, note Robert ; CA Paris, 26 janvier 1990, D. 1991, 201, note Cas ; Civ. 1re,
19 décembre 1995, Bull. Civ. I,
n° 470. La majorité de ces arrêts concerne des instances arbitrales, et
affirme que les principes d'ordre public interne et international édictés
s'imposent même dans les cas où l'arbitrage se déroulant en France n'est pas
soumis à la loi française. V. Hanotiau, « La loi applicable par l'arbitre
en cas de faillite d'une des parties à la procédure », RDAI, 1996, n° 1, p. 29.
[69]. Soinne,
Traité des Procédures collectives,
préc. p. 201.
[70]. De
nombreux auteurs placent ce principe au cœur des lois de la faillite. Ainsi,
MM. Lyon-Caen et Renault considèrent que « leur but n'est pas de régler la condition des biens du failli, de fixer
les droits qui peuvent les régler et leurs modes de transmission : elles
se proposent de protéger les intérêts des créanciers, de maintenir l'égalité
entre eux » (in Précis de droit
commercial, t. II, n° 3140).
[71]. Civ.
11 mars 1913, Arrêt Nebel, JDI 1913, 910, note Perroud. V.
déjà : Req. 30 juin 1887, JDI 1887, 346.
[72]. Civ.
Req. 21 juillet 1903, DP 1903, I, 594.
[73]. Com.
19 janvier 1988, préc.
[74]. Civ.
1re, 4 février 1992, Bull. Civ. I, n° 38. V. également
Com. 19 janvier 1988, Arrêt BCT Computer,
Bull. Civ. IV, n° 47 ; D. 1988, 565, note Remery. Ce principe
se retrouve largement dans d'autres législations. C'est ainsi que la Cour
Supérieure de Justice du Luxembourg a, dans un arrêt rendu dans l'affaire BCCI
du 27 octobre 1993, inédit,
affirmé que « le principe de
l'égalité à maintenir entre les créanciers chirographaires, consacré par la
loi, est d'ordre public ».
[75]. Civ.
11 mars 1913, op. cit.
[76]. Ripert
et Roblot, Droit commercial, t. 2, 12e
éd., n° 2913.
[77]. CA
Montpellier, 12 juin et 8 août 1884, Journal
des faillites, 1884, p. 410 et 526 ; Civ. 11 mars 1913,
préc. ; CA Paris, 12 juillet 1929, JDI
1929, 1095, note Picard et Tager ; Rev.
crit. DIP, 1930, note Valensi. Il faut cependant noter qu'à l'origine, la
jurisprudence avait opté pour la théorie de la réciprocité absolue : Trib.
com. de la Seine, 29 mars 1882 et 6 janvier 1883, Journal des faillites, 1883, p. 61.
[78]. Req.
30 juin 1887, Journal des faillites, 1887,
p. 346.
[79]. Civ.
1re, 8 janvier 1991, Bull.
Civ. I,
n° 9 ; D. 1991, 276, note
Remery ; JCP 1991, (E), I, 73,
obs. Cabrillac ; RJDA
2/91, p. 107. V. déjà dans le même sens : Com. 8 mars 1988, Lexilaser. Dans cet arrêt, la Chambre
commerciale applique la loi de la faillite et refuse l'action en revendication
exercée par un créancier au motif que « l'existence en nature des
marchandises revendiquées n'était pas établie ».
[80]. Civ.
1re, 6 juin 1990, Bull. Civ.
I,
n° 136 ; Rev. Crit. DIP, 1993,
p. 425, note Jobard-Bachellier. En l'espèce , la
loi appliquée était la loi Italienne, en application de la Convention
franco-italienne du 3 juin 1930. Mais la solution est sans conteste
d'application générale. C'est d'ailleurs le premier arrêt de la Cour de
Cassation qui consacre expressément cette solution.
[81]. CA
Paris, 15 juin 1994, JDI 1994, 1011,
note Jacquemont.
[82]. Civ.
1re, 25 février 1986, Arrêt Kléber,
Bull. Civ. I, n° 38 ; JCP (E) 1987, II, 14969, note Remery ; Rev. crit. DIP, 1986, 589, note Synvet.
[83]. Remery, op., cit., p. 86.
[84]. Ce
système permettait à un juge français, saisi de la demande d'exequatur, de refuser de la prononcer
s'il constatait qu'il n'aurait pas statué de la même façon que le juge
étranger.
[85]. Civ.
9 mai 1900, Arrêt De Wrède, JDI, 1900, 613.
[86]. Civ.
21 février 1860, Arrêt Bulkley, S
1860, 1, 210.
[87]. Req.
21 juillet 1903, DP 1903, 1, 594.
[88]. Civ.
26 juin 1905, Arrêt Richer et autres,
JDI 1905, 1014, Concl. du Procureur
Général Baudoin ; S. 1905, 1,
433, note Lyon-Caen ; DP 1905, note Thaller. V. plus récemment : Civ.
1re, 25 février 1986, préc., qui affirme que « le jugement étranger ne peut permettre de
recourir en France à des mesures d'exécution avant la décision d'exequatur ».
[89]. Soinne, op. cit.,
p. 206 s.
[90]. Civ.
29 août 1829, S. 1836, 1, 428 ;
Civ. 26 juin 1905, op. cit.
[91]. Civ.
26 juin 1905, op. cit.
[92]. Req.
12 novembre 1872, S. 1873, 1,
17 ; Civ. 1re, 25 février 1986, op. cit.
[93]. Civ.
26 juin 1905, op. cit.
[94]. CA
Paris, 7 mars 1878, S. 1879, 2, 164,
note Dubois. La Cour d'Appel affirme que les créanciers français ont le droit
de poursuivre en France la déclaration de faillite de l'étranger déjà déclaré
en faillite dans son pays, et le syndic étranger ne peut anéantir par sa tierce
opposition les effets du jugement français qui a également déclaré la faillite.
V. également : CA Aix-en-Provence, 15 mars 1870, S. 1870, 2, 207 ; CA Bordeaux, 25 mars 1885, JDI 1886, 710.
[95]. Com.
19 janvier 1988, Bull. Civ. IV,
n° 47 ; D. 1988, 565, note
Remery. Il est à noter que l’arrêt reprend un considérant de la Cour d’Appel
qui avait jugé que l’existence de la procédure ouverte en France « n’entraînait aucune discrimination ou
inégalité de traitement entre les ressortissants des deux pays »,
rattachant donc sa décision au sacro-saint principe d’égalité des créanciers et
de non discrimination qui avait été invoqué par le demandeur.
[96]. Lequel
n’entrera en vigueur qu’en 2002.
[97]. Cette
défiance s’exprimait en particulier dans le système de la révision, qui
consistait pour le juge interne à refuser l’exequatur
s’il constatait qu’il n’aurait pas statué de la même façon.
[98]. Civ.
21 juin 1870, D.P 1871, 1,294.
[99]. CA
Paris, 7 mars 1878, S. 1879, 2, 164,
note Dubois et jurisprudence citée.
[100]. Civ.
11 mars 1913, op. cit.
[101]. Com.
19 janvier 1988, op. cit.
[102]. Com.
11 avril 1995, préc. La cour précise que « la désignation par la Commission bancaire d’un administrateur
provisoire, dans les cas prévus par l’article 44, al. 2 de la loi du 24 janvier
1984, transfère à celui-ci tous les pouvoirs d’administration, de direction et
de représentation de la personne morale dont celui de déclarer la cessation des
paiements ».
[103]. V.
Civ. 1re, 25 février 1986, préc., qui rappelle qu’avant la décision
d’exequatur du jugement étranger de
faillite, la société débitrice n’est pas dessaisie de ses biens situés en
France et que les créanciers français conservent le droit d’exercer des
poursuites individuelles sur ces biens.
[104]. Vallens,
note sous TGI de Hagen, 26 novembre 1996, Petites
Affiches, 31 janvier 1997, n° 14, p. 22. La décision de
cette juridiction allemande est intéressante dans la mesure où elle décide
qu’un titre exécutoire délivré en Allemagne contre un débiteur ne peut être mis
à exécution lorsque la procédure collective a été ouverte à l’égard du
patrimoine du débiteur en France.
[105]. CA
Paris, 7 mars 1878, op. cit.
[106]. CA
Paris, 20 juillet 1877, JDI 1878, 41.
V. également jurisprudence citée par Martin-Serf, La faillite internationale : une réalité économique pressante, un
enchevêtrement juridique croissant, chron. préc., p. 46.
[107]. Com.
29 octobre 1973, Bull. Civ. IV,
n° 297.
[108]. Civ.
1re, 17 mai 1983, Bull. Civ.
I, n° 147.
[109]. Pour
une étude générale, voir Mayer, Droit
international privé, préc., p. 239 et s.
[110]. Civ.
1re, 7 janvier 1964, JCP
1964, Ed. G, II, 13590,
obs. Ancel.
[111]. Civ.
1re, 20 mai 1967, préc.
[112]. Com.
18 janvier 2000, JCP (E) 6 avril
2000, n° 14, p. 611, note Chaput ; JCP (G), chr. I, 249, n° 2, p. 1484, note Cabrillac et
Petel ; D. 2000, Cahier Bleu, p. 106, note Faddoul.
[113]. Com.
11 avril 1995, op. cit. L’arrêt
dispose que « [...] l’ouverture à
l’étranger d’une procédure collective à l’égard d’un débiteur ne met obstacle
au prononcé en France du redressement judiciaire de ce même débiteur que si la
décision étrangère doit y être reconnue de plein droit en vertu d’un traité ou
a déjà reçu l’exequatur... ».
[114]. Mayer, op. cit.,
p 267 et s.
[115]. Martin-Serf,
op. cit., p. 52.
[116]. Civ.
26 juin 1905, JDI 1905, 1014, avec
les conclusions de Monsieur le Procureur Général Baudoin. L’arrêt en conclut
donc que la compensation légale s’opère de plein droit, nonobstant la
déclaration de faillite prononcée à l’étranger, tant que le jugement déclaratif
étranger n’est pas revêtu de l’exequatur
des tribunaux français. V. également CA Poitiers, 20 décembre 1972, RTDCom., 1973, 679, note Loussouarn.
[117]. Remery, op. cit., p. 67.
[118]. Note
sous Civ., 25 février 1986, op. cit..,
p. 357.
[119]. TPI
de Saint-Pierre et Miquelon, 26 octobre 1990, RJC 1991, n° 1313, p. 176, note Huet.
[120]. TPI
de Saint-Pierre et Miquelon, 26 octobre 1990, op. cit., p. 179.
[121]. Trib.
com. Paris, 23 juillet 1991, D. 1992,
232, note Remery.
[122]. CA
Paris, 8 juillet 1992, RJC 1993,
p. 7, note Vallens ; D. 1992,
476, note Vasseur. La Cour affirme : « Considérant qu'en l'espèce le débiteur est la Sté BCCI Overseas dont le
siège est fixé à l'étranger ; que parmi les succursales de ces banques,
celle de Paris constitue son principal établissement pour le territoire
français..., eu égard à son importance par rapport aux bureaux de Marseille,
Cannes et Monaco ; qu'à ce titre, ledit établissement entre dans les
prévisions de la disposition finale du texte susvisé. »
[123]. Com.
11 avril 1995, Bull. Civ. IV,
n° 126 ; D 1995, 640, note Vasseur ; Bull. Joly, 1995, 696, note Martin-Serf ; Rev.
crit. DIP,
1995, 742, note Oppetit. On remarquera que la Cour de Cassation fait sienne
l'interprétation que fait la Cour d'Appel du Décret, en considérant que le
principal établissement du débiteur à considérer est le principal des
différents établissements secondaires qu'il peut exploiter en France.
[124]. Com.
11 avril 1995, op. cit.
[125]. Com.
14 mai 1996, Bull. Civ. IV,
n° 131 ; D. 1996, 586, note M. Vasseur ; Rev. crit. DIP, 1996, 476, note J.P Remery ; Bull.
Joly, 1996, 838, note A. Martin-Serf.
[126]. Civ.
1re, 19 décembre 1985, Bull.
Civ. I, n° 470.
[127]. Pericard,
« La faillite de la BCCI »,
Banque & Droit, hors série, avril 1996.
[128]. T.
Com. Paris, 23 juillet 1991, D. 1992,
232, note Réméry ; CA 8 juillet 1992, D.
1992, 476, note Vasseur, RJ Com., 1993,
6, note Vallens ; Com. 11 avril 1995, Bull.
Civ. IV n° 126,
Bull. Joly, 1995, 696, note Martin-Serf, JCP 1995 (E) I, 3871, note Petel, D. 1995 640, note Vasseur.
[129]. T.
Com. 23 juillet 1992, inédit.
[130]. Jugement
en date du 8 juillet 1991 du Tribunal d’arrondissement de Luxembourg
prononçant le sursis de paiement de BCCI SA ; Jugement en date du 1er
août 1991 du Tribunal d’arrondissement de Luxembourg prononçant la mise sous
gestion contrôlée de BCCI Holding ; Jugement en date du 3 janvier 1992 du
Tribunal d’arrondissement de Luxembourg prononçant la dissolution et la
liquidation de BCCI SA ; Jugement en date du 11 juin 1992 du Tribunal
d’arrondissement de Luxembourg prononçant la dissolution et la liquidation de
BCCI Holding
[131]. The High Court of Justice de Londres (22
et 30 juillet 1991) ajourne, jusqu’en décembre 1991 la liquidation des
établissements de la BCCI ; The High
Court of Justice de Londres (14 janvier 1992) prononce la liquidation des
établissements de la BCCI en Angleterre.
[132]. The Grand Court of the Cayman Islands
prononce la « liquidation provisionnelle » et désigne MM. Wight
et Axford en qualité de liquidateurs.
[133]. Péricard,
op. cit., p. 11 : « Existence d’une unité centrale de
gestion (central office) et d’une unité de gestion de fonds de trésorerie du
groupe (treasury portfolio management division), toutes deux localisées à Abu
Dhabi qui réalisaient des opérations de gestion et de trésorerie des différentes entités du groupe
sans respecter leur personnalité juridique distincte et comme s’il s’agissait d’une seule unité économique, commerciale et
financière. »
[134]. Péricard,
op. cit., p. 13 à 18.
[135]. Directive
n° 94/19 du 30 mai 1994, JOCE
n° L. 135 du 31 mai p. 5. Sousi-Roubi, Droit bancaire européen, Dalloz, 1995, n° 409 à 422. Pour un
commentaire détaillé : BRDA, 94-12, p. 13.
[136]. Dite
« Directive Post BCCI », cf. Mattout, « La défaillance d’une
banque : aspects internationaux », in « Colloque de Deauville », Rev.
jur. com., 1996, numéro spécial, p. 114 et s.
[137]. JOCE L/161, 2000, 30 juin 2000.
[138]. Idot,
« Un nouveau droit communautaire des procédures collectives », JCP (E), 2000, I, 1648. Chaput,
« L’entrée en vigueur d’un droit communautaire de la faillite », Dr. soc. 2000, n° 11, commentaire
n° 22, p. 4 et s. ; Laporte, « Procédures spécificiques,
faillites internationales »,
Procédures, 2001, n° 12, p. 15 ; Idot, « Le nouveau
droit communautaire des procédures collectives », JCP (E) 2000, n° 42, p. 1648 et s.
[139]. Idot, op. cit.
[140]. Idot, op. cit.
[141]. Proposition
de directive de la Commission du 9 janvier 1986, proposition modifiée le 11
janvier 1988.
[142]. Avis
en première lecture du Parlement le 13 mars 1987, puis en deuxième lecture le
27 octobre 1999, JOC 154 du 5 juin
2000.
[143]. Avis
du Conseil Economique et Social du 2 juillet 1986.
[144]. Avis
de l’IME le 12 juin 1996.
[145]. DG
G 8733/00 Add 1 Limite EF 33 Ecofin 125
Codec 387.
[146]. JOCE L/125, 5 mai 2001, p. 15 et
s. ; Bonneau, « Assainissement et liquidation des établissements de
crédit et des entreprises d’assurance, des relations du droit commun et du
droit spécial », Rev. proc. coll., juillet
2001, p. 129 et s. ; Idot, « Chroniques de jurisprudence,
marché intérieur, services financiers, procédures collectives », Europe, 2001, n° 6, p. 11.
[147]. Comme
souvent en matière communautaire, il s’agit d’un compromis. Le principe
d’universalité n’est pas absolu, il connaît de nombreuses dérogations, ce qui
fait écrire à un auteur qu’il s’agit d’une « universalité
atténuée » ; Strub, « Marché unique des procédures
d’insolvabilité », Rev. du marché
commun et de l’Union européenne, n° 385, février 1995, p. 127 et
s.
[148]. Article 1-2 du Règlement Insolvabilité : « Le présent règlement ne s’applique pas
aux procédures qui concernent les entreprises d ’assurance et les
établissements de crédit, les entreprises d’investissement qui fournissent des
services impliquant la détention de fonds ou de valeurs mobilières de tiers,
ainsi qu’aux organismes de placement collectif. »
[149]. Directive
2001/17/CE du 19 mars 2001 concernant l'assainissement et la liquidation des
entreprises d'assurance « DALEA » (JOCE, L. n° 110, 20 avril 2001, p. 28 et s.).
Lorsque les conditions propres à chaque secteur l'ont permis, des solutions
semblables ont été choisies par le Conseil.
[150]. Directive
2000/12/CE du 20 mars 2000 (JO L 126
du 26.5.2000, p. 1) concernant l'accès à l'activité des établissements de
crédit et son exercice, qui codifie plusieurs directives relatives aux établissements
de crédit, notamment la Directive 77/780/CEE (première directive de
coordination bancaire) et la Directive 89/646/CEE (deuxième directive de
coordination bancaire). En conséquence, toutes les références à des
dispositions figurant dans les directives concernées ont été adaptées de sorte
à renvoyer au texte codifié.
[151]. Deuxième
Directive 89/646/CEE du Conseil, du 15 décembre 1989 (JO L 386 du 30.12.1989, p. 1 à 13), visant à la coordination des dispositions législatives, réglementaires
et administratives concernant l'accès à l'activité des établissements de crédit
et son exercice, et modifiant la directive 77/780/CEE.
[152]. Directive
94/19/CE du Parlement Européen et du Conseil, du 30 mai 1994, relative aux
systèmes de garantie des dépôts.
[153]. Directive
98/26/CE du Parlement Européen et du Conseil du 19 mai 1998 (JO L 166 du 11.6.1998, p. 44 à
50) concernant le caractère définitif du règlement dans les systèmes de
paiement et de règlement des opérations sur titres.
[154]. Péricard,
op. cit.
[155]. Cette
annexe a été supprimée dans le dernier état de la Dalec.
[156]. On
remarquera avec intérêt que seul l’article 52, alinéa 2, semble viser…
[157]. Cette
simplification est la bienvenue, ainsi dans la deuxième proposition de
directive de la Commission, l’annexe relative à la France ne correspondait plus
tout à fait à la situation résultant de la LESF.
[158]. Position
commune, p. 6.
[159]. Position
commune, p. 13.
[160]. Mayer, op. cit.,
n° 651.
[161]. Ibidem, p. 15.
[162]. Position
commune, p. 16.
[163]. Position
commune, p. 14.
[164]. Position
commune, p. 15.
[165]. Obadia,
« Les procédures collectives en droit européen », Petites affiches, 12 juillet 1991, n° 83 p. 38
et s. : « Faute de
définition légale, l’insolvabilité peut être définie comme l’état du débiteur
qui, à cause d’un manque de moyens de paiement non passager, se trouve dans
l’impossibilité d’honorer ses dettes certaines, liquides et exigibles. »
Par ailleurs, la CJCE donne une « définition
autonome de la notion de faillite » (Rodière, Enc. Dalloz, « Faillite », n° 3). Ainsi, pour la CJCE, il
s’agit d’une « procédure fondée sur
l’état de cessation de paiement, l’insolvabilité ou l’ébranlement du crédit du
débiteur impliquant une intervention de l’autorité judiciaire aboutissant à une
liquidation forcée et collective des biens ou à tout le moins, un contrôle de
cette autorité », CJCE 22
février 1979, aff. 133/78, Rec. 733 ; Rev.
crit. DIP, 1979, 657, note Lemontey, Rev.
soc. 1980, 526, note Bismuth.
[166]. Position
commune, p. 6.
[167]. Et
ce d’autant plus que nous avons vu que, dans la pratique jusqu’à la LESF, la
procédure de redressement dissimulait le plus souvent une procédure de
liquidation qui ne disait pas son nom.
[168]. L’article
1er – 14e) de la Directive 2000/12 définit la Zone A
comme regroupant « tous les Etats
membres et tous les autres pays membres à part entière de l’Organisation de
Coopération et de Développement Economique (OCDE), ainsi que les pays qui ont
conclu des accords spéciaux de prêt avec le FMI et dans le cadre des accords
généraux d’emprunt (AGE) du FMI. Cependant, tout pays qui rééchelonne sa dette
publique extérieure ne peut pas faire partie de la zone A pendant une période
de cinq ans ». En bref, la
zone A correspond aux pays riches. D’ailleurs, la définition de la Zone B vient
le confirmer puisque la Zone B se définit comme regroupant « tous les pays autres que ceux de la
zone A ».
[169]. La
situation était encore plus complexe dans ce dossier car il existait des
succursales d’un établissement de crédit basées dans les îles Caymans
(France/Suisse) et des succursales d’un établissement de crédit basées au
Luxembourg (England/USA).
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