La chronique de Christian Sautter
UNE BELLE VICTOIRE D’ETAPE
Depuis 2OOO, je rêve d’un nouveau
Mendès-France, qui dise la vérité aux Français ; qui répartisse
équitablement les sacrifices nécessaires ; qui redonne du tonus aux forces
vives du pays, les entreprises plutôt que les corporations, les syndicats
plutôt que les officines, les associations plutôt que les groupes de pression.
Mendès ou le déclin : un choix cornélien !
64,8%, tel est le score incroyable
qu’a fait la liste Blumenthal dans le XIIe arrondissement de Paris, au deuxième
tour des élections municipales. Mais l’ampleur de l’abstention doit tempérer
l’euphorie : trop de citoyens sont restés sur les gradins, à contempler un
match qui les concernait pourtant directement. Ce mélange d’indifférence et de
fatalisme est préoccupant.
À cette belle victoire, je trouve quatre
explications, qui valent aussi pour le succès remporté par Bertrand Delanoë à
Paris et ceux de nombreux maires de gauche à travers la France.
Premièrement, la personnalité de la
candidate ou du candidat : proche des gens sans être démagogue, honnête
sans être donneur de leçons, bon gestionnaire des services publics de
proximité. Le sérieux de l’entrepreneur l’a emporté sur le boniment du
bateleur, dont les adversaires n’ont pas été économes.
Deuxièmement, l’équipe des militants
qui ont battu la campagne. Je ne pense pas seulement aux colistiers qui se sont
naturellement engagés dans le combat politique mais aussi à tous les jeunes et
moins jeunes, complètement désintéressés, qui se sont levés de bon matin pour
distribuer des tracts aux entrées de métro, qui ont fait vivre des sites
Internet, qui ont monté et démonté des salles de réunions, qui ont composé des
comités de soutien ou organisé des manifestations festives. Sur le 12è, ils
étaient près de 80, et cette présence sur le terrain, au contact des citoyens,
a fortement contribué à faire la différence. Quand rendra-t-on hommage au
militant anonyme, qui a fait les belles campagnes de 1981, 1997 et 2008 ?
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Troisièmement, le bilan et le
projet. On ne change pas de marque de voiture quand celle qu’il faut remplacer
a donné satisfaction. Les consommateurs de politique locale sont très sensibles
aux promesses réalisées, gages précieux pour tenir les engagements à venir. Ce
langage de représentant de commerce peut sembler trivial quand on l’applique au
noble art de la politique, mais l’horizon de nos concitoyens s’est raccourci
dans le temps comme dans l’espace. Les « politiques » les ont tant
bercés d’illusions, les médias les ont tant étourdis d’émotions, qu’ils
cherchent désormais leurs clés au pied du réverbère. Des places de crèches ont
été livrées, des écoles construites, des logements sociaux financés, les repas
dans les cantines ont été améliorés, un joli tramway et de beaux Vélib sont
apparus. Autant faire confiance à ceux qui ont réalisé cela et qui promettent
de faire aussi bien et même mieux (40000 logements sociaux après 30 000) dans
les six années à venir.
Quatrièmement, la faiblesse des
adversaires. Ce n’est guère élégant à écrire après qu’ils ont été défaits, mais
l’expérience du XIIe arrondissement que j’ai vécue démontre qu’un candidat
parachuté et distrait, servi par une équipe étriquée, et porteur d’un projet
plus dense en attaques des personnes qu’en solutions des problèmes de la vie
quotidienne, n’a pas rencontré grand écho auprès des habitants.
Le temps de la jubilation a été
bref mais intense. Je me souviendrai d’être brièvement passé dimanche
soir, dans une boîte de la rue du Faubourg Saint Antoine, regarder les
militants du 12è se lancer dans une joyeuse salsa, dont on m’a dit qu’elle a
duré toute la nuit.
Une nouvelle équipe autour de
Bertrand Delanoë va se mettre au travail sur Paris et nombreux sont ceux qui
commencent à songer à la prochaine étape, celle de la reconquête de la
responsabilité nationale en 2012, date des prochaines élections présidentielles
et législatives.
Quatre ans, ce n’est pas si long
pour un Parti socialiste qui n’a aujourd’hui ni leader, ni équipe, ni projet
mais qui est à peu près assuré d’avoir un adversaire redoutable. Le Président
actuel a la ferme intention de partir pour un prochain mandat avant de devenir
le Président de l’Europe et pourquoi pas ensuite le secrétaire général des
Nations unies ? Sa soif de pouvoir n’a pas de limite.
Deux ans pour comprendre la société
française et l’économie mondiale, ce n’est pas si long : il faut aller à
la rencontre des citoyens, dialoguer avec les entrepreneurs et les
syndicalistes, écouter les associations et les intellectuels. C’est un travail
de longue patience qui n’a rien à voir avec les réunions de week-end où les
professionnels du Parti font tourner les moulins à prières de discours mille
fois ressassés.
Comprendre la France telle qu’elle
est, l’Europe telle qu’elle fonctionne, la mondialisation dans ses
contradictions, ce n’est pas rien et demande des qualités d’écoute, de
réflexion et d’imagination qui ne sont plus les qualités dominantes des
commissions permanentes du Parti socialiste, ni des élus qui cumulent à plaisir
les mandats nationaux et locaux.
Pendant ces deux années
d’effervescence programmatique, les candidats à la candidature s’échaufferaient
en voyageant, en consultant, en lisant de l’histoire et de la géographie, en
rassemblant des groupes peu nombreux mais talentueux. Ensuite de belles
primaires, à l’américaine, mettraient en évidence leur résistance physique,
leur force de caractère et leur adhésion au projet collectif.
Voici un beau scénario idéal, celui
que suivent la plupart des démocraties européennes, et qui ont fait émerger
Blair et Zapatero, Prodi et Merkel. Malheureusement, nous sommes les seuls en
Europe à avoir des élections présidentielles qui personnalisent et médiatisent
à l’excès le choix du chef de l’exécutif et qui minorent le rôle du Parlement
et même celui du gouvernement.
Avec sa fougue habituelle, Ségolène
Royal a annoncé sa candidature, sans dévoiler ni équipe ni projet. Elle
reconnaît elle-même avoir participé à la récente bataille présidentielle sans
programme crédible. Et, malheureusement, elle ne semble pas avoir renoncé à la
démocratie d’opinion, c’est-à-dire à un programme composé en fonction des
attentes immédiates des Français, attentes contradictoires et pleines
d’illusions sur les marges de manœuvre. Et elle lance des appels irréfléchis, comme
celui d’une alliance avec le fantomatique Modem.
Sa déclaration a aussitôt provoqué
la formation d’un cartel des Non, composé d’avatars du mollétisme et de
nostalgiques du mitterrandisme. Ils n’ont pas l’ombre d’un projet sur la
relance du progrès économique, social et écologique en France, en Europe et
dans le monde.
Reste l’énigme Delanoë, qui se
résoudra certainement d’ici l’été.
Depuis 2OOO, je rêve d’un nouveau
Mendès-France, qui dise la vérité aux Français ; qui répartisse
équitablement les sacrifices nécessaires ; qui redonne du tonus aux forces
vives du pays, les entreprises plutôt que les corporations, les syndicats
plutôt que les officines, les associations plutôt que les groupes de pression.
Mendès ou le déclin : un
choix cornélien !
Christian Sautter
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