Le retour dans le commandement militaire de l'OTAN, pour quoi faire ?
26 avril 2007 : le candidat Sarkozy estime que la présence à long terme des
troupes françaises en Afghanistan n'est pas décisive. Il se déclare même prêt à
poursuivre la politique de rapatriement de nos soldats, alors engagée par
Jacques Chirac. 27 mars 2008, soit onze mois plus tard : en voyage officiel à
Londres, Nicolas Sarkozy annonce l'envoi de 1 000 hommes supplémentaires à ceux
qui sont déjà présents en Afghanistan.
Je me suis prononcée contre cette fuite en avant. Car les risques d'enlisement
sont trop forts ; car les objectifs n'en sont pas définis ; car on ne
peut risquer la vie de nos soldats sans savoir quels sont les objectifs de leur
mission ; car il faut en priorité donner au gouvernement d'Hamid Karzaï les
moyens d'assurer la stabilité de l'Afghanistan.
Et puis Nicolas Sarkozy oublie sciemment qu'en 1991, François Mitterrand avait
souhaité un vote du Parlement sur la présence des forces françaises en Irak… La
réforme des institutions et le renforcement du rôle du Parlement promis par le
candidat Sarkozy sont clairement jetés aux oubliettes.
Plus grave encore, lors du Sommet de Bucarest, Nicolas Sarkozy a fait prendre à
la politique étrangère de la France un virage périlleux. En réintégrant le
commandement militaire de l'OTAN, il prétend ainsi redéfinir notre rapport à
l'Alliance atlantique et, en même temps, renforcer l'Europe de la
défense.
Mais où est passé le « Livre blanc de la Défense », en préparation depuis
plusieurs mois et qui devait être soumis au Parlement ? Personne ne l'a encore
vu… et lorsqu'on débattra de ses orientations, il sera déjà trop tard. Car
entre temps, c'est toute notre politique depuis 1966 qui aura été remise en
cause.
Le degré de notre participation à l'Otan est une question fondamentale qui ne
doit pas être taboue et dont nous pouvons tout à fait débattre. Mais la France
a-t-elle intérêt à se ranger dans le camp atlantiste, sans garantie d'obtenir
quelque chose en retour ? La France est-elle attendue et bienvenue dans un
commandement militaire qui s'est fait sans nous depuis 42 ans ? Un retour actif
à l'Otan permettra-t-il véritablement de renforcer la PESD ?
Sous couvert de préparer la présidence française de l'Union européenne et
d'amorcer le développement de la défense commune, Nicolas Sarkozy ne vise, en
réalité, qu'une chose : réintégrer pleinement l'OTAN pour inscrire sans réserve
notre pays dans « le camp occidental » et satisfaire son « obsession atlantiste
», comme l'a formulé Jean-Marc Ayrault, le 1er avril à l'Assemblée nationale.
Une option idéologique dangereuse, selon moi, à l'heure où certains poussent au
conflit des civilisations. Et alors que les Etats-Unis ne semblent pas
disposés, en matière de défense, à déléguer leur autorité. Ce faisant, Nicolas
Sarkozy affaiblit la position européenne au sein de l'Otan.
L'intérêt et la sécurité de la France passent sans conteste par la mise en
œuvre d'une vraie PESD, tout en continuant de travailler étroitement avec nos
alliés. Au sein de l'Alliance, lourde et grosse machine, la France seule ne
pourra jamais peser sur les orientations et les décisions stratégiques. Nous
devons donc absolument profiter de notre autonomie pour rassembler nos
partenaires européens autour d'une Europe de la défense cohérente et efficace,
et avoir ensuite voix au chapitre au sein de l'Otan. À nous aussi de
faire preuve d'exemplarité dans notre engagement en Europe, afin de vaincre les
réticences de nos partenaires.
Ségolène Royal
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