ATTENTION, ce texte (extrait de ma thèse parue en 2002 chez ECONOMICA) est déjà vieux. Il a six ans ! Et en six ans, le droit bouge, change, se transforme.
TITRE II
Le traitement international et
communautaire de
la « faillite » bancaire
1066. – Histoire et essor de la faillite internationale
– Le concept de faillite internationale n'est pas nouveau. Il est
traditionnel de citer à titre d'exemple la faillite de la banque Bardi à
Florence qui date de 1345. Cet établissement avait financé les efforts de
l'Angleterre contre la France au début de la guerre de Cent Ans, ce qui avait
provoqué sa ruine. Du fait de son influence et de son réseau de correspondants,
sa défaillance avait entraîné les premières difficultés à un niveau
paneuropéen. Si les questions soulevées par les faillites internationales n'ont
pendant longtemps, du fait de leur relative rareté, pas focalisé l'attention,
la situation est toute autre aujourd'hui. En effet, on a assisté à la fin du XXe siècle, à une augmentation
sensible du phénomène qui se pose avec beaucoup plus d'acuité. Différents
facteurs expliquent cette évolution. En premier lieu, la crise économique qui
frappe (a frappé ?) la majorité des pays développés a augmenté le nombre
d'entreprises en difficulté, sans distinction, puisqu'elle a touché aussi bien
les structures purement nationales que les entreprises multinationales. A cet
égard, la crise asiatique (1997/1998) a servi de révélateur de la faiblesse de
nombreux « chaebols »
coréens (par exemple, Daewoo), dont la croissance irrépressible était financée
par un endettement phénoménal (ratio fonds propres sur dettes supérieur à
300 % !) auprès des établissements de crédit locaux et internationaux. En second lieu, le
développement du commerce international, se traduisant par un mouvement
d'internationalisation et de mondialisation des échanges, a bien évidemment eu
pour corollaire une internationalisation de l'implantation des entreprises. Au
niveau européen, la construction du marché unique et l'élargissement de l’Union
ont intensifié cette évolution. La combinaison de ces différents facteurs ne
pouvait donc qu'entraîner une multiplication des défaillances d'entreprises à
l'échelle internationale et par voie de conséquence une internationalisation
des procédures collectives. Il est révélateur que de nombreux arrêts relatifs à
la faillite internationale concernent des établissements de crédit. Cela
s’explique par le caractère nécessairement international de l’activité
bancaire.
1067. – Définition et précisions terminologiques –
La première difficulté qui se pose est d'ordre terminologique. Le terme
« faillite » n'a pas, en droit français comme d'ailleurs en droit
international privé, le sens qu'il avait autrefois. Il a disparu du vocabulaire
juridique avec le recul de la protection des créanciers et l'avènement de celle
de l'entreprise . Le terme de « faillite »
est équivoque, dans la mesure où il recouvre une gamme très large de
situations. Il désigne l'ensemble des procédures collectives prévues par les
systèmes nationaux. Ainsi, le droit français a connu une évolution du droit des
procédures collectives au droit des entreprises en difficulté.
Les droits étrangers connaissent
également des procédures très diverses, tantôt orientées vers la liquidation
proprement dite et le règlement des créanciers, tantôt orientées vers la survie
de l'entreprise et le maintien de l'emploi. Pour la CJCE, les
faillites sont « des procédures
fondées, selon les diverses législations […] sur l'état de cessation de paiements, l'insolvabilité ou l'ébranlement
du crédit du débiteur impliquant une intervention de l'autorité judiciaire
aboutissant à une liquidation forcée et collective des biens ou, à tout le
moins, un contrôle de cette autorité ». L'utilisation du
terme générique de « faillite » ne rend donc pas compte de la
diversité des finalités des procédures collectives. Néanmoins, c'est le terme
retenu en droit international pour appréhender les procédures collectives de
règlement du passif, du fait de sa commodité d'utilisation, et du fait qu'il
correspond à la perspective essentiellement liquidative de la faillite adoptée
par le droit international privé.
La seconde difficulté consiste à
définir le caractère international de la faillite. Selon un critère juridique,
serait internationale la faillite comportant un élément d'extranéité,
c'est-à-dire un élément par lequel elle est en contact avec un ordre juridique
étranger. Ainsi, une faillite est
internationale « lorsque le
débiteur est soumis à une procédure d'exécution collective de tout ou partie
des Etats sur lesquels celui-ci possède des biens ». Ne peut donc être
qualifiée d'internationale qu'une procédure intéressant un débiteur possédant
des biens dans plus d'un Etat ou intervenant dans plusieurs Etats. A ce critère
strictement juridique, il est possible d'adjoindre un critère économique,
faisant référence à la notion de commerce international. La procédure mérite
d'être qualifiée de faillite internationale si elle implique le commerce
international. En effet, peut-on qualifier ainsi une procédure qui concerne un
commerçant ne possédant qu'un immeuble à l'étranger, en raison du peu
d'importance des éléments étrangers ? La réponse doit être
positive, même s'il est évident que les problèmes suscités par ces procédures
seront moindres que ceux concernant des multinationales.
1068. – La faillite internationale : un îlot de
résistance à l'internationalisation – Jusqu’en l’an 2000, il était
un constat qui s'imposait : les droits nationaux des faillites sont rétifs
à toute coordination sérieuse et à toute internationalisation. Les causes de cette
carence sont nombreuses. Deux d'entre elles doivent être soulignées.
La première découle du constat que
la législation de la faillite « est
un carrefour où se croisent et se rencontrent toutes les composantes du système
juridique considéré ». La faillite
touche au droit des biens, au droit des sûretés, au droit des sociétés, au
droit des régimes matrimoniaux, voire au droit des personnes et même au cas
particulier d’un établissement de crédit, au droit administratif.
La seconde découle du fait que la
faillite est indissociable de l'organisation judiciaire nationale et des
règles de procédure. Comme leur nom l'indique, les procédures collectives sont
essentiellement des procédures, présentant « un caractère judiciaire très accentué ».
Dans ces conditions, il ne faut
pas s'étonner « que le droit de la faillite soit un droit profondément national :
on ne peut y porter la main sans ébranler l'entier système juridique auquel il
appartient et qu'il résume ». Le caractère
territorial des procédures collectives explique donc la difficulté de créer des
normes internationales communes, applicables à tous les droits internationaux
des Etats. Ce caractère judiciaire des procédures collectives entraîne une
imbrication des conflits de juridictions et de lois, les premiers dans les
seconds, puisqu'en la matière, c'est la compétence juridictionnelle qui
détermine la compétence législative. Néanmoins, les efforts
des pays européens avaient débouché sur la rédaction de deux conventions
multilatérales : (i) la Convention d'Istanbul du 4 juin 1990
« relative à certains aspects internationaux de la faillite »,
rédigée sous l'égide du Conseil de l'Europe et ratifiée par la France le 4 juin
1990 et (ii) la Convention de Bruxelles du 23 novembre 1995 relative aux
procédures d'insolvabilité, rédigée pour sa part sous l'égide de la Communauté
Européenne. Ces deux conventions ont
un point commun : elles prenaient le soin d'exclure expressément de leur
champ d'application les procédures relatives aux entreprises d'assurances et
aux établissements de crédit.
Ces deux conventions ont été
novées par l’adoption en l’an 2000 du Règlement
CE n° 1346/2000 du 29 mai 2000 relatif aux procédures d’insolvabilité
(dit « Règlement Insolvabilité ») que nous étudierons en détail
dans le Chapitre II consacré au droit communautaire. Le Règlement Insolvabilité
prévoit lui aussi une telle exclusion en raison de l’adoption le 4 avril 2001
de la Directive relative aux mesures d’assainissement et à la liquidation d’un
établissement de crédit (Dalec) (cf. n° 1128 et
s.).
Pour mémoire, il convient
d’ajouter que la France était partie à quatre conventions bilatérales en vigueur jusqu’à l’adoption du
Règlement Insolvabilité : (i) la Convention franco-belge du 8 juillet
1899 ; (ii) la Convention franco-italienne du 3 juin 1930 ; (iii) la
Convention franco-monégasque du 13 septembre 1950 et (iv) la Convention
franco-autrichienne du 27 février 1979.
En outre, il faut également citer
d'autres manifestations de cette volonté d'internationaliser la matière. Il en
est ainsi des travaux de la Commission des Nations Unies pour le Droit
Commercial International (CNUDCI), qui ont débouché sur
l'adoption en mai 1997 d'un document dénommé « Loi-type sur l'insolvabilité internationale ».
Cet instrument qui concerne les
faillites dans lesquelles le débiteur possède des biens dans plusieurs Etats
propose des règles minimales acceptables par les Etats. Il définit des règles
de reconnaissance simplifiées des procédures étrangères, propose des règles de
coopération judiciaire, et vise à améliorer la situation des créanciers
étrangers. Comme les conventions précédentes, la Loi-type prend soin de prévoir
qu'elle ne s'appliquerait ni aux banques, ni aux entreprises d'assurance
relevant des règles internes quant aux conditions de leur liquidation.
De même, l'Association
Internationale du Barreau (AIB) a élaboré un code de règles applicables aux
faillites internationales, appelé « Concordat », destiné à régir les
relations entre plusieurs procédures collectives intéressant un même débiteur. Le point commun de ces
instruments internationaux est de tenter de concilier les théories de l'unité
et de la territorialité de la faillite internationale.
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